Délocalisations : la faute des industriels, vraiment ?

Les entreprises françaises se sont délocalisées depuis plus de vingt ans et depuis quelques jours, on nous fait les gros yeux : les industriels ne cherchant que leurs profits sont partis ailleurs !

Curieuse manière d’écrire une triste histoire, celle de la volonté d’une grande partie de nos élites de voir disparaitre ce tissu industriel noirâtre, sale, ses cheminées, ses syndicats, au profit d’une belle société avec des bureaux, des chercheurs, des bureaux d’études dans nos belles métropoles. Si le départ des industries françaises a été rapide et une anomalie par rapport à nos voisins (Allemagne, Suisse, Italie, Espagne…) c’est que cela a été voulu et orchestré. Si les mots du patron d’Alcatel prévoyant des entreprises sans usines ont eu un tel écho c’est qu’à l’époque ceux qui étaient d’avis contraire étaient montrés du doigt : des passéistes, retardataires, rétrogrades…

Les industriels qui sont restés, et heureusement il y en a, étaient des conservateurs de musées anticonformistes. Et ces derniers vous disent aujourd’hui : si vous n’avez plus d’industrie, et si cela continue malgré toutes vos rodomontades électoralistes, vous devez balayer devant votre porte.

Certes nous avons toujours eu un monde du travail complexe avec le maintien d’une prédominance de la lutte des classes et non la recherche du bien commun de l’entreprise, mais si le code du travail pèse une tonne, ce n’est pas la création des industriels, ce n’est même pas le fruit des demandes des organisations syndicales (comme les 35 heures), c’est le résultat de l’imagination créatrice de gouvernants qui n’ont jamais mis le pied dans l’entreprise.

Certes nous avons désormais le même poids documentaire dans le code de l’environnement, mais nous n’y sommes pour rien nous vous expliquons, au contraire, que nous sommes pleinement engagés dans la protection de notre pays, notre environnement, et la sécurité sanitaire de notre personnel mais que nous n’avons besoin que d’objectifs généraux et non de mesures détaillées bureaucratiques et absurdes bien souvent contradictoires.

Nous n’avons pas besoin, non plus, de payer plus d’impôts que nos concurrents et ainsi de diviser par deux notre rentabilité par rapport à nos voisins ce qui nous contraint à ne pas investir suffisamment dans l’automatisation, le numérique, la robotisation. Nous n’avons pas besoin de recevoir des subventions après avoir rempli des dossiers énormes et indigestes, nous savons ce que nous avons à faire et c’est l’excès des demandes étatiques qui nous restreint.

Les industriels qui restent en France n’ont pas envie de partir, donnez-leur désormais des raisons de rester, d’espérer d’être entendus, considérés, de ne pas continuer à collectionner les mises en demeure et les diktats d’une administration pléthorique et souvent malveillante, nous souhaitons être traités comme nos voisins européens le sont avec les mêmes fiscalités, normes et règlements pour pouvoir restaurer notre rentabilité, notre compétitivité.

Ensuite certains d’entre nous, et beaucoup d’autres, ont envie de réindustrialiser, car ils ont envie de vivre dans notre beau pays, mais pour cela il faut qu’ils puissent s’installer, qu’on les accueille, comme en Allemagne, en Suisse, en Italie et en Espagne ! Pouvons-nous vous dire que ce n’est pas le cas et que les lois, décrets et décisions récentes (loi Climat et décrets) vont en sens inverse, celui des retards bureaucratiques, de la complexité et de la décision finale d’aller se faire voir ailleurs. Vous avez droit, comme nous, de vous confronter à la réalité, la délocalisation se poursuit et la relocalisation est freinée par votre volonté collective exprimée par des textes et relayée par la bureaucratie.

Sophie de Menthon, Présidente du mouvement ETHIC

Loïk Le Floch-Prigent 

2 commentaires sur “Délocalisations : la faute des industriels, vraiment ?

  1. Félicitations pour cet article structuré et rappelant l’ensemble des turpitudes qui ont détruit à petit feu nos tissus industriels.
    La marche arrière est possible mais va nécessiter la mobilisation de tous les acteurs concernés.
    Elle doit s’appuyer sur la restauration d’une confiance durable en les fondamentaux de notre vivre ensemble.

  2. Pour réussir… c’est la fin de l’état providence au menu.

    Au Danemark, il y a 80% de syndiqués parce que, pour bénéficier de l’assurance chômage et des services de l’emploi, il faut être syndiqué. En France, ce sont des services publics avec des syndicats vindicatifs et politisés.
    Une partie de l’État social devrait être déléguée à des structures d’économie sociale (des hôpitaux gérés par des églises par exemple, par les syndicats…) c’est de la dépense publique en moins.
    En matière de droit du travail, la France est socialiste. Elle devra devenir plus corporatiste pour réagir. Comme au Danemark ou en Suède, il n’y a pas de salaire minimum. Les syndicats ont géré cela sur le thème :  » On veut le faire, nous. On veut mettre en place des salaires minimums conventionnels qui seront plus importants que celui que l’État est susceptible de mettre en place » .

    Autre exemple: pour l’anecdote, le pays au monde qui a le système de santé le plus socialisé, parmi les pays développés, ce n’est pas la France mais le Royaume-Uni… (La médecine de ville, la médecine ambulatoire est publique. Le médecin généraliste a un emploi public, ce n’est pas une profession libérale.)
    Dans notre beau pays, le second volet des prestations sociales est ce qu’on appelle les transferts sociaux en nature de produit marchand, terme désignant le remboursement des médicaments, les allocations logement, etc. Ce sont des sommes qui sont engagées par les ménages auprès du privé mais qui sont remboursées par les administrations publiques, par la sécurité sociale. Cela représente 130 milliards. Un gisement d’amélioration existe…

    Et en matière de retraite, aux États-Unis, contrairement à l’image qu’on en a… la retraite publique est très importante, d’ailleurs tous les Américains en bénéficient et ont leur carte de Social Security. Cela existe depuis le New deal des années 30. C’est une retraite publique qui est financée par des cotisations, moitié cotisations employeurs, moitié cotisations salariés.
    Quelque part, c’est plus simple qu’en France, plus unifié, plus socialisé puisqu’il y a une caisse unique, contrairement à la France où il y a plein de régimes. Vous allez me dire : « Mais aux États-Unis il y a les fonds de pension pour compenser ». Oui, les fonds de pension jouent le rôle de complémentaire. 80% des retraités américains vivent majoritairement avec leur retraite publique. Aux États-Unis, le niveau de remplacement est bien entendu plus faible que celui de la France, mais nous sommes les champions de monde en la matière, puisqu’on on est le seul pays au monde où on a fait le choix social de donner un niveau de vie extrêmement correct à nos retraités, mais pour combien de temps?

    Dans la même approche, concernant l’enseignement supérieur, la majorité des étudiants français sont dans le public. on devra réfléchir plus sérieusement aux grandes universités privées pour être des fondations et non des universités, sans but lucratif, même si c’est le capital qui est membre bienfaiteur et donateur.
    Etc etc…

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