Indemnité inflation : une rustine qui passe à côté du problème véritable

Face à la hausse du prix de l’énergie, Jean Castex a annoncé une « indemnité inflation » de 100 euros pour les Français gagnant moins de 2.000 euros nets. Cette mesure est-elle une bonne solution face aux problèmes actuels, notamment au regard du prix de l’essence et des difficultés de pouvoir d’achat des Français ?

Atlantico : Jean Castex a annoncé une « indemnité inflation » de 100 euros pour les Français gagnant moins de 2000 euros nets. Que pensez-vous de cette mesure pour répondre aux problèmes actuels, notamment la hausse du prix de l’essence ?

Loïk Le Floch-Prigent : Changer de nom et nommer un chèque carburant sous forme d’indemnité « inflation » permet, en effet, d’échapper à l’usine bureaucratique envisagée. On donne donc une ristourne annuelle de 100 euros à tous les Français (individus) qui gagnent moins de 2000 euros par mois y compris les retraités. Les 100 euros sont calculés sur la base des kms moyens parcourus par les automobilistes et l’indemnité est donnée à tous qu’ils aient une automobile ou pas ! Joli tour de passe- passe, et dans la mesure où on ne touche pas aux taxes sur l’essence on peut considérer qu’une bonne partie de cette mesure sera payée par l’augmentation automatique des prélèvements de l’Etat sur l’essence puisque lorsque le prix des hydrocarbures montent, les prélèvements augmentent. Plus le pétrole grimpe, plus l’Etat récolte de l’argent et il peut ainsi sans faire mal à son budget ristourner une indemnité « inflation » à tous ceux qu’il estime dans le besoin. Plus c’est gros plus cela peut marcher, mais il reste que les automobilistes qui font beaucoup de kms vont payer une indemnité à ceux qui n’ont pas de voiture…cela doit plaire aux écologistes politiques qui veulent que les français arrêtent de se déplacer ! C’est pour ceux-là une indemnité de sédentarité. Si l’on voulait faire vraiment quelque chose pour ceux qui ont besoin de se déplacer et qui se déplacent beaucoup, on voit bien que seule une baisse de la taxe prélevée par l’Etat était envisageable et elle aurait pu coûter le même montant que l’indemnité inflation ! Cela aurait été électoralement moins « payant » ?… On verra. En tous les cas aucune analyse ne permet de montrer que le Gouvernement ait encore compris la raison de la poussée des prix pétroliers, sa durée possible et son ampleur probable : il n’avait pas vu le coup venir, pas plus que les coups à venir.

Tout le monde s’attendait à un chèque ou une baisse des taxes, ces solutions auraient-elles été meilleures ou pires ? 

Le chèque carburant pour les plus « modestes » auraient enrichi la fonction publique d’un grand nombre d’agents nouveaux, car il conduisait à une gestion impossible, mais la baisse des taxes était parfaitement légitime puisque le budget ne prévoyait pas une telle hausse des carburants et que l’on pouvait redistribuer le trop perçu à ceux qui payaient l’essence, les consommateurs ! Mais si l’on espère une nouvelle hausse des carburants , ce qui est probable, cela revient à un manque à gagner pour les finances de l’Etat. On a donc pris une mesure qui ne coûte rien par rapport aux prévisions budgétaires et qui va permettre d’engranger encore plus si le prix du baril monte !
On revient donc à la question essentielle : pourquoi le baril monte ? Parce que l’on a souhaité que le monde pétrolier investisse moins dans les hydrocarbures fossiles, que l’offre diminue en conséquence et que la reprise mondiale a conduit à une croissance immodérée de la demande qui a surpris le monde entier au point que l’on a rouvert des mines de charbon et des centrales du même produit pourtant condamné par tous pour des raisons de climat et de pollution. On a donc souhaité diminuer l’offre pour restreindre la demande et on a obtenu l’inverse, une demande énorme qui a dépassé les possibilités des producteurs. Désormais les Etats producteurs d’hydrocarbures liquides vont-ils se précipiter pour satisfaire les clients qui voulaient les faire disparaître et ainsi faire baisser les prix ? Ni l’Arabie Saoudite, ni la Russie, ni les autres ne se plaignent de la situation actuelle : « vous vouliez notre mort et maintenant vous souhaitez notre aide ! »  On a tellement voulu ignorer que 80% de l’énergie consommée est d’origine fossile (charbon, gaz, pétrole) que l’on s’en est pris aussi dans certains Etats à l’énergie nucléaire, seule alternative électrique dans les pays développés et même à l’hydraulique espoir de beaucoup de pays pauvres. La rustine de l’indemnité « inflation » ne vient pas répondre à la véritable question de la politique énergétique à mener pour notre pays et à celle que l’Europe veut nous imposer au détriment de notre intérêt comme l’ont soulignés, sans aller au bout de leur logique, certains Ministres.

Cette mesure ne prend-elle pas le risque de considérer la politique énergétique uniquement par le prisme de ses répercussions sociales ? Quelles conséquences cela peut-il avoir ?

On voit donc bien que, comme vous le soulignez, essayer lorsque qu’un séisme pétrolier et gazier se développe devant nos yeux de l’ignorer et de prendre une mesure anti-Gilets Jaunes n’est pas au niveau de ce que l’on peut attendre. C’est toute la politique énergétique engagée depuis dix ans, depuis les décisions désastreuses de fermeture des Centrales nucléaires, l’arrêt des programmes neutrons rapides (Superphénix, Astrid), les coercitions pour imposer la voiture électrique, les interdits sur l’exploration pétrolière et gazière, le programme pluriannuel de l’électricité(PPE) qu’il faut désormais interroger. Un pays industriel doit avoir une énergie abondante et bon marché pour redresser au moins sur ce point là sa compétitivité. Nous avons pris la direction inverse sans jamais anticiper les difficultés qui en découlaient. Nous devons imaginer un avenir avec un pétrole et un gaz encore chers pendant des mois, et si nous nous y préparons, nous avons une bonne chance de voir les prix baisser car les pays pétroliers voudront garder leurs clients car il s’agit de géopolitique énergétique et non pas de l’attitude de tel ou tel groupe pétrolier. Puisque l’on avait décidé en Septembre de geler les hausses de l’électricité et du gaz, on aurait pu espérer une réflexion pendant le mois dernier conduisant à l’expression d’une nouvelle politique énergétique permettant de garantir un maintien de la prospérité nationale, on n’a eu que l’indemnité « inflation » payée par les automobilistes impénitents à beaucoup de piétons ou cyclistes vertueux. Quel programme mobilisateur !

2 commentaires sur “Indemnité inflation : une rustine qui passe à côté du problème véritable

  1. A vous lire:
    « Un pays industriel doit avoir une énergie abondante et bon marché pour redresser au moins sur ce point là sa compétitivité. Nous avons pris la direction inverse sans jamais anticiper les difficultés qui en découlaient. »
    Pour cela, il faut nous sortir du carcan imposé par l’Allemagne! l’affaire n’est pas mince à entendre ce genre de compliments pour le départ en maison de retraite de la dame Merkel « C’est quelqu’un qui pendant seize ans a vraiment marqué l’Europe, et nous a aidés, tous les Vingt-Sept, à prendre les bonnes décisions avec beaucoup d’humanité à des moments qui étaient difficiles », a déclaré le Premier ministre belge Alexander de Croo….
    « C’était une telle machine à compromis, que quand les choses n’avançaient pas, on avait quand même Angela (…) Elle trouvait habituellement toujours quelque chose pour nous unir et nous permettre d’aller plus loin », a observé le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel, qui l’a côtoyée durant huit années…
    L’Allemagne devrait avoir un nouveau chancelier avant Noël. Sociaux-démocrates, écologistes et libéraux ont dévoilé ce jeudi , le calendrier de leurs négociations visant à installer Olaf Scholz (SPD) aux commandes du pays début décembre.
    A moins de se fâcher sérieusement avec le club des verts, je ne vois pas très bien la marge de manœuvre de la France…

  2. la « crise climatique » est instrumentalisée depuis le Rapport Meadows de 1972 (commandé par Rockfeller et le Club de Rome) afin de restreindre autoritairement l’énergie et l’économie. Ça a commencé avec les chocs pétroliers (pilotés par nos amis saoudiens) et la hausse des taxes (TIPP). Le but est de redresser les taux de profit (et donc la valeur du capital), mis à mal par l’affinement de la productivité, la concurrence et la surproduction. En outre, les règles écologistes permettent de détruire des secteurs efficaces mais à faible rendement, afin de faire place nette à des secteurs moins efficaces mais à fort rendement (par ex. l’automobile électrique). Dans un premier temps, le compromis néolibéral (délocalisation du travail industriel + développement des nouveaux marchés du divertissement) avait permi de retarder cette évolution. Mais maintenant on y est : c’est du malthusianisme économique. Le tout financé par la planche-à-billets (sortie du dollar l’étalon or hier, et demain le revenu de base) qu’il faut ensuite « nantir » par l’austérité. Keynes se revendiquait lui-même le fils spirituel de Malthus…

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