Le cas Veolia Suez ou l’illustration des failles du capitalisme à la française

Depuis l’affaire Alstom on a compris que pour conserver nos entreprises phares il faut retrouver un capitalisme vivant dans notre pays, c’est-à-dire faire rentrer dans les industries les produits de notre épargne. Alstom avait fini, après une prise de participation de l’Etat pour la sauver, par accueillir comme actionnaire de référence le Groupe Bouygues. Il a suffi que celui-ci veuille se désengager pour que le château de cartes s’effondre et que 70% d’Alstom soit vendu à General Electric… nous n’en finissons pas de regretter les solutions ainsi préconisées par ses dirigeants.

Suez n’est pas une industrie de production, mais c’est une grande société de services très technique qui a une grande compétence dans deux domaines d’aujourd’hui et de demain, l’eau et les déchets. C’est un des piliers de la Bourse nationale avec un Chiffre d’affaires de 18 Milliards et un résultat l’an dernier de 352 Millions, ce n’est pas une société en péril, elle est profitable, en croissance et chacun lui reconnait des activités de qualité très compétitives au niveau mondial. Sa fragilité, c’est la structure de son capital, son actionnaire de référence (30%) c’est le Groupe Engie, le reste étant réparti avec des italiens (Caltagirone) espagnols(Caixa) et des français dont des fonds comme Ardian. Pour des raisons qui le regardent Engie veut se débarrasser de cette participation, (comme Bouygues avec Alstom) et le concurrent Français, Véolia, se déclare candidat en prenant soin de ne pas en avertir Suez mais plutôt les pouvoirs publics pour avoir leur soutien. La justification de cette manoeuvre assez loin des pratiques habituelles c’est qu’Engie a comme actionnaire important l’Etat (23, 6%) et que cette opération ne peut se faire sans son autorisation. Cette opération inamicale obtient donc, « a priori » une bonne note du Gouvernement qui y voit du « sens » tandis que tous les professionnels français savent qu’elle va conduire à un démantèlement de Suez en France puisque les règles de la concurrence impliqueront la séparation du nouveau Grand Groupe des activités qui généreraient un monopole.

Il est clair que la présentation de la future OPA pour créer un champion national de l’eau et des déchets ne tient pas la route une minute, passer de 3 à 5% du marché mondial est un argument de vente dans une politique de communication pour les nuls. Il s’agit simplement de faire une opération capitalistique intéressante pour Veolia au détriment de l’autre société, de ses dirigeants et de ses salariés. Que ce soit bon pour les actionnaires de Veolia, c’est indéniable, bon pour Engie si le prix monte encore, c’est clair, bon pour les actionnaires de Suez c’est bien possible. En tous les cas cette opération sera excellente comme d’habitude pour les banques – conseils qui encouragent les fusions- acquisitions sans jamais regarder les conséquences sociales : le capitalisme à la française c’est aussi cette attitude des banques d’affaires. Du point de vue stratégique le résultat ne s’impose pas, une société autonome de l’eau en France aura le même sort que la troisième, la SAUR, qui passe d’actionnaire en actionnaire depuis dix ans en se rétrécissant.

L’intérêt de la France était donc de conserver les deux entreprises et de les faire prospérer, en continuant avec deux champions sans démanteler le second, mais il fallait alors trouver les ressources en capital français pour prendre le relais d’Engie qui voulait passer la main ! Mais depuis les privatisations ratées de Monsieur Balladur on refuse de se pencher sur ce problème essentiel : flécher une partie de l’épargne des français vers le secteur productif. Si bien que depuis l’annonce d’Engie de vouloir se dégager du capital de Suez, personne d’autre que Veolia, le concurrent, n’est venu se présenter, nous sommes alors dépendants du microcosme parisien ou de capitaux extérieurs. La trompette du « champion national » ne permet pas d’aller à l’étranger chercher les capitaux, les jours passent et la révolte légitime des dirigeants et des salariés de Suez va se fatiguer car il n’y a pas de capitalisme national, nous voulons jouer au capitalisme sans capital depuis des dizaines d’années et nous finissons toujours d’Alstom à Suez par trouver géniales des solutions imbéciles comme dans la fable de La Fontaine : ces raisins sont trop verts et bons pour des goujats. En n’acceptant pas de regarder les réalités en face nous affaiblissons notre pays.

4 commentaires sur “Le cas Veolia Suez ou l’illustration des failles du capitalisme à la française

  1. Tout à fait d’accord avec vous. D’autant plus que la vente de l’eau France peut calmer la commission de la concurrence, mais elle demandera aussi, qui sait, de vendre des actifs dans le secteur déchets, comme des incinérateurs…le problème des grands groupes français aussi, c’est qu’ils sont dirigés par des ingénieurs, jamais ou rarement par des diplômés de grandes écoles de commerce…et ça se ressent dans la stratégie…ou plutôt le manque de stratégie…ils rentrent le paquebot dans le port…sans le rayer…ils font même un créneau…mais ils ne savent pas choisir le bon océan…

    1. peu importe d’où ils viennent et quelle école ou pas d’école du tout , l’important c’est bon sens, compétence, courage !
      mais quand ils sont énarques c’est quelquefois bien pire ! pas toujours , en fait cela dépend, et c’est heureux , des individus qui arrivent à ne pas oublier leurs qualités

    2. Lorsqu’il sont dirigés par des financiers le seul point qui compte c’est le profit ainsi le bateau rentre dans le port avec un moteur en panne et un équipage réduit au minimum … a bon entendeur salut !

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