Le TGV : un succès qui dépasse les questions d’argent

Dès qu’il s’agit d’infrastructures, se posent les questions des coûts et de la rentabilité et on arrive à justifier ou à condamner n’importe quel projet. Car s’agissant d’un bien commun, tout dépend de ce que l’on met dans les deux colonnes des coûts et des gains.

On peut effectivement rester au niveau des entreprises constituées à cet effet et prendre des taux d’amortissements artificiels, et ainsi montrer qu’il ne faut pas produire de métros, de trains, de centrales électriques, de routes…

En ce qui concerne le TGV que n’a-t-on écrit, la valse des milliards, l’endettement colossal, le coût de la maintenance, les salaires et avantages des cheminots… les coûts et les prix des billets… pour arriver néanmoins à véhiculer 130 millions de voyageurs par an : pas mal pour un échec dans un pays de 65 millions d’habitants ! Soyons donc mesurés dans nos raisonnements et nos calculs.

LE TGV COMME OUTIL DE DÉVELOPPEMENT DU TERRITOIRE

Avant la voiture, le train a été un instrument d’aménagement du territoire et de rapprochement physique des individus et des marchandises. Pour les voyageurs sa vitesse est devenue un objectif à mesure que l’automobile et la route sont venues le concurrencer. Il semblait y avoir des limites physiques à la vitesse malgré les records battus par les techniciens français. Les innovateurs sont partis aiguillonner le rail avec la sustentation par coussins d’air ou magnétique, ce qui a conduit la SNCF et son complice Alsthom (avant de devenir Alstom) à faire des progrès sur la capacité du rail et de la traction pour soutenir des vitesses de 300 km/h inenvisageables pour la voiture individuelle pour des raisons de sécurité et de coût.

En 1973, en pleine crise pétrolière et de lancement du programme nucléaire civil de production électrique, le gouvernement décide que les lignes seront électriques pour échapper à la pression du prix du pétrole puisque nous disposerons d’une énergie abondante et bon marché avec l’hydraulique (à l’époque la SNCF possède des barrages) et le nucléaire.

C’est donc une décision d’État rendue possible par des techniciens de haute volée : on veut réduire le temps du voyage, rapprocher les Français physiquement et donner un coup de pouce décisif aux économies des territoires. La mesure des gains dans l’agglomération lyonnaise, dans celles de Lille, Marseille, puis de Nantes, de Tours, de Rennes puis de Strasbourg ou de Bordeaux est non mesurable, mais incontestable. Et le choix de l’électrique basé sur des considérations politiques à l’époque s’avère « écologique » et applaudi cinquante ans plus tard. Le TGV a modelé la France actuelle et les laissés pour compte, Toulouse, Perpignan, Nice… s’en plaignent tous les jours.

Il est donc malhonnête de parler de coûts excessifs et de dette abyssale, car ce n’est pas le sujet.

Maintenant il faut savoir quels sont les coûts d’exploitation et si les recettes équilibrent ou non le compte.

Mais la puissance publique a accepté l’idée d’une location des infrastructures par la société qui fait rouler les trains. Tout dépend alors du coût de la location et nous sommes dans l’économie artificielle, comme dans le tunnel sous la Manche ou les infrastructures électriques. Nous disposons d’un monopole constitué à partir d’une décision de l’État et ensuite on essaie à le faire entrer dans le moule d’une idéologie de la concurrence inadaptée au sujet traité.

On se trompe donc d’objectif et d’instrument de mesure, ce qui permet l’envolée des coûts d’exploitation et les mauvaises décisions : quand un industriel a une comptabilité erronée, il ne peut pas fonctionner, il en est de même du train. Si on ne sort pas du calcul les décisions régaliennes d’aménagement du territoire ayant conduit à des investissements de prestige et que l’on cherche une rentabilité, on permet, soit de considérer que « nous ne sommes pas à un milliard près « ou alors on condamne toute la maintenance à la portion congrue. Depuis des années, on vogue alternativement entre ces deux écueils en essayant de ne pas froisser les électeurs… et les journalistes.

LIMITER LES COÛTS DU TRAIN

Il faut dire les choses clairement, le train n’est pas rentable, mais il doit faire des progrès dans l’exploitation pour limiter les coûts, augmenter la productivité en ne sacrifiant jamais ni l’innovation ni la maintenance : force est de constater que la SNCF n’innove plus et que son réseau est en décrépitude. Le « en même temps » a donc ses limites et la réforme de la SNCF a conduit à des difficultés pour tous les Français et n’a servi à rien. D’où les commentaires effrayés sur le coût du TGV actuel et futur. Il faut redéfinir ce que l’on veut et ne pas considérer que la concurrence artificielle va tout résoudre.

En ce qui concerne les voyageurs, la concurrence vient essentiellement de la voiture individuelle. Pour une famille partant en vacances, le trajet en automobile parait moins cher même en payant l’autoroute, il suffit d’être deux pour écarter le train sur une base économique, ce qui fait dire que le train est trop cher, et qu’il faudrait donc diminuer le prix du billet et réduire les dépenses.

De l’autre côté, les frais fixes du train sont élevés ainsi que les frais proportionnels. Et une série de facteurs sont inclus, dont le paiement des retraites d’une compagnie d’où l’on part jeune alors que l’on vit de plus en plus vieux : les retraités SNCF sont aussi nombreux que les actifs puisque les progrès de productivité abaissent les effectifs mécaniquement. Dès que l’on s’attaque aux charges salariales, ce sont la qualité de service et la sécurité qui se dégradent.

Les amoureux du rail et les cheminots en particulier estiment que leur travail n’est pas reconnu, alors qu’il est exemplaire au service de la nation et du voyageur, car celui-ci, comme l’observateur, ont tendance à estimer les coûts excessifs. Il faut donc trouver les indicateurs qui vont prouver les progrès effectués, indicateurs à la fois internes et externes pour pouvoir prendre à témoin les citoyens. Mais vouloir faire des économies sur les équipes de production est un leurre.

En dégraissant les hommes de terrain, on arrive rapidement à l’os, tandis que dans les bureaux, sièges divers, on peut faire des progrès considérables que l’introduction du numérique permet. Ce sont les structures, les superstructures, les échelons élevés, qui deviennent lentement inutiles, mais pas les chefs d’équipe ou chefs d’ateliers qui réagissent au niveau adéquat lors d’une crise ou d’une absence. Il faut donc arriver à raisonner sur un compte d’exploitation artificiel puisque ne prenant pas en compte le régalien, mais conduisant à exiger des progrès, car la productivité d’ensemble n’est pas encore bonne, et ceci sans sacrifier la recherche et l’innovation.

Le TGV est donc cher si l’on veut que le voyageur le paie, mais si l’on considère que le citoyen a déjà payé l’infrastructure et qu’il n’a pas à la payer une nouvelle fois avec son billet, les chiffres changent. Il suffit alors de se mettre d’accord sur un compte d’exploitation et des objectifs à réaliser sans définir a priori les moyens d’y arriver : chacun serait alors vraiment devant ses responsabilités.

Par ailleurs, on aurait pu penser que la France aurait pu vendre le TGV à travers le monde et l’installer dans tous les pays voulant faire de l’aménagement du territoire un objectif. On le sait, à part le Japon et la Chine qui ont réalisé eux-mêmes leurs programmes, il n’y a pas eu un enthousiasme de nos voisins. Les Allemands ont développé leur propre motrice concurrençant avec Alstom avec Siemens. Nous n’avons donc eu que peu de retombées de notre avancée technologique, ce qui n’étonne guère, car c’est une grande habitude de notre pays qui réalise le même exploit avec la production d’énergie avec son nucléaire. Nous avons du mal à faire la promotion de nos pépites, mais nous les laissons partir avec une constance incroyable.

Après avoir cédé notre fleuron Alstom énergie à General Electric, turbo-alternateurs Arabelle pour le nucléaire, turbines hydrauliques et Réseaux, cette année cela a été le département signalisation ferroviaire de Thalès vendu à Hitachi -Japon- alors que cette technologie était un des piliers de notre compétence. Le rail est un de nos points forts, l’avenir de la SNCF, d’Alstom et de toute la filière devrait nous mobiliser, c’est loin d’être le cas comme cette dernière affaire nous le prouve, il faut arrêter de pleurer et agir.

2 commentaires sur “Le TGV : un succès qui dépasse les questions d’argent

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