Les petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR) : la fin d’un ostracisme ?

Dans le cadre du plan France 2030, Emmanuel Macron a annoncé un nouveau budget d’un milliard d’euros pour le développement, notamment, des Small modular reactors (SMR). Il s’agit de mini-réacteurs d’une puissance de 170 MW, dix fois moins qu’un réacteur classique.

L’annonce prochaine du soutien gouvernemental à la filière nucléaire par le biais d’une enveloppe consacrée aux études pour la mise au point d’un réacteur dit « petit » -quelques centaines de MW et non mille- va-t-elle marquer la fin d’une mise à l’index du nucléaire dans notre pays  ou est-ce un nouveau rideau de fumée destiné à calmer les pro-nucléaires lassés des succès des anti et des milliards dépensés dans les énergies éoliennes et solaires ? En tous les cas, sur le terrain, les jeunes engagés dans les techniques nucléaires et qui veulent y faire carrière sont soulagés de ne pas se trouver confrontés trop vite demain à une expatriation en Chine, en Russie, en Corée ou aux USA ! Car le domaine nucléaire occupe plus de 200 000 professionnels dans notre pays et beaucoup d’étudiants comptent bien poursuivre leurs travaux de physiciens, d’ingénieurs ou de techniciens dans un secteur qui est considéré comme prometteur un peu partout dans le monde.

Cette interprétation de la décision prochaine est optimiste, et pourquoi ne pas l’être en effet, après les retraites effectuées depuis le drame de Fukushima en Mai 2011, les annonces d’arrêt du nucléaire en Allemagne juste après, le programme anti-nucléaire du candidat Hollande pour le septennat 2012-2017, suivi par l’en même temps du Président Macron avec l’arrêt d’une des meilleures centrales existantes, Fessenheim, en Juin 2020,  mais aussi du programme Astrid de réacteurs à neutrons rapides en 2019. Le nombre de camouflets enregistrés depuis dix ans par tous les chercheurs et industriels fiers de leurs réalisations et de leurs succès conduit donc à se féliciter de la nouvelle attitude gouvernementale même si les sommes en jeu sont minuscules au regard des problèmes à traiter : si c’est un premier pas, comme une excuse des dix années infernales passées, c’est bien, mais si on s’arrête là, les déceptions seront encore bien plus grandes.

Le vrai problème pour notre pays est donc de décider, d’une part le programme de maintenance des centrales existantes pour en prolonger la durée de vie, programme engagé dans tous les pays avec succès, et, d’autre part,  le déclenchement  du programme de remplacement. C’est ce dernier point qui est le plus délicat si on veut satisfaire les antinucléaires car ils souhaitent inonder les sols et les mers de milliers d’éoliennes pour éviter la mise en place de nouvelles installations nucléaires. C’est cette décision qui est importante car elle permettrait de s’assurer que notre pays continue à disposer d’une énergie abondante, bon marché et sans émissions majeures de CO2. Toute autre décision, en particulier la multiplication d’éoliennes conduirait soit à un affaiblissement majeur du réseau et à un renchérissement majeur de l’électricité, soit à une installation de multiples centrales à gaz. Ces centrales augmenteraient notre « carbonatation » mais surtout  encore plus le prix de l’électricité. La solution 50% nucléaire et 50% énergies renouvelables n’existe pas n’en déplaise aux drogués des ENR, le nucléaire doit rester à 75% avec de l’hydraulique à 11% tandis que les autres sources pour la plupart intermittentes continueront à couter très cher. Pour cela il faut d’urgence décider la construction de nouvelles Centrales Nucléaires et si le programme d’études SMR décidé aujourd’hui est le préalable à cette décision indispensable pour la sécurité électrique de notre pays et la compétitivité énergétique de la France, réjouissons-nous . Mais si c’est pour nous endormir et attendre encore dix ans en espérant installer partout des petits réacteurs, notre pays aura été grandement fragilisé autant en garantie de service de son électricité que par le prix de celle-ci. En effet les consommateurs commencent à se rendre compte des surcouts conséquences des décisions prises depuis 2011 avec les programmes d’énergies renouvelables intermittentes subventionnés tandis que nous frisons les coupures de courant chaque hiver, le Programme Pluriannuel d’Electricité ou PPE est un échec, le développement accéléré des véhicules électrique lui portera un coup fatal.

Tandis que nous continuons à ne pas regarder l’évolution du monde de l’énergie, les réalités vont s’imposer à nous. L’après covid relance l’économie et l’Asie est repartie dans sa consommation de charbon : beaucoup de nos importations, y compris celle des matériels des énergies renouvelables ont été fabriquées avec l’énergie du charbon ! La volonté affichée de ralentir l’exploration des énergies fossiles, pétrole et gaz, et le regain d’activité ont conduit au renchérissement des deux autres piliers actuels de la fourniture d’énergie , en Europe le prix du gaz a été multiplié par quatre ! Nous avons rêvé avec nos spots à la télé un monde rempli de belles éoliennes et de panneaux solaires, mais nous devons nous réveiller, notre présent et avenir immédiat est encore très dépendant des hydrocarbures et pour longtemps et le nucléaire représente, comme nos anciens Présidents de la République l’avaient imaginé, une chance de rester une nation prospère. Notre compétitivité industrielle passe par la mise à disposition d’une énergie abondante, bon marché et décarbonée, notre vie sociale serait gravement perturbée par des coupures d’électricité nombreuses et peu prévisibles : en fait nous n’avons pas le choix c’est sans doute dur à entendre pour tous ceux qui ont mené et mènent toujours le combat anti-nucléaire, c’est dur pour les allemands, en particulier, qui ont été à la pointe en la matière, mais c’est ainsi, d’autant que pour des orientations de dépollution des centres urbains nous voulons favoriser les véhicules électriques. Le Covid nous a fait prendre conscience de la nécessité vitale de retrouver un peu plus d’indépendance industrielle, l’industrie nucléaire est là pour nous y aider.

5 commentaires sur “Les petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR) : la fin d’un ostracisme ?

  1. Merci, an excellent article.
    – One of the aspects I really enjoyed is the contradiction with the green economy and our dependence on Asian importations mainly using coal. when looking at the data the exponential reliance on coal in China is astonishing.
    – I am really intrigued by the fact that at this point the mentalities are still focused on ONE solution mainly wind and solar. The solution in my view will come from a mix in accordance with the needs and capabilities of the precise locations. Example: Wind is making a lot of sense simply because it is freaking windy in Denmark…
    – Some of the findings promoted by Bill Gates with the small nuclear new generation are interesting. His argument is so simple asking the simple question. How come we are still relying on the technology of the 60th?
    – Nevertheless, a bit surprised that you are not mentioning hydrogen as a potential?
    Anyways: de Gaulle avait encore raison: Vive le Nucleraire!

  2. La technologie de ces petits réacteurs à eau pressurisée est bien connue des ingénieurs des sous-marins nucléaires. Elle peut être rapidement adaptée à des applications civiles par un transfert de technologie de la Marie. Mais il n’y a aucune rupture technologique. Macron a fait l’énorme erreur de bloquer le projet très innovant Astrid de surgénérateur à uranium appauvri, capable de produire une électricité décarbonée et abondante pendant près de 5000 ans, qui bénéficie de l’expérience de Phénix et de Superphénix et peut utiliser les 300 000 tonnes d’uranium appauvri qui sont actuellement des déchets valorisables par la surgénération, ce qui permettrait de boucler la boucle du nucléaire en brûlant les pires déchets des centrales actuelles, notamment le plutonium. Mais Macron n’a aucune vision et les SMR sont un projet sans grand intérêt.

    1. Rien n’est bloqué!, les études continuent malgré tout à petite vitesse, c’est le démonstrateur qui est au frigo. Dans les milieux bien informés on pensent qu’il ressortira peut être…..

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