Origine du Covid-19 : derrière le doute, l’abus de la science émotionnelle

Alors que le débat sur une éventuelle origine humaine -et chinoise- de la pandémie a été relancé par Joe Biden, l’année écoulée nous aura révélé à quel point la rigueur scientifique a été balayée faute notamment de la promotion d’une véritable éducation scientifique.

Et voici qu’au mois de Juin 2021 après un an et demi de positions définitives des uns et des autres sur l’origine de la Covid-19 qui a mis en difficultés le monde entier, des nouvelles observations viennent jeter le doute sur le fameux pangolin dont beaucoup ont appris l’existence grâce aux commentateurs de tous les pays.

Résumons la situation, les premiers cas apparaissent à Wuhan en Chine à une date désormais indéterminée mais que l’on fixe généralement fin 2019/début 2020, on constate un effroi immédiat des Chinois qui « ferment » la région et, malgré toutes les gesticulations mondiales, il y a une extension du domaine d’attaque du virus, suivi par ses variants. On ne compte plus les morts, ni les contaminés, les hôpitaux débordent, les personnels médicaux s’épuisent et, dès que l’on croit avoir passé le plus dur, un nouvel accès de fièvre s’empare d’une partie du monde tandis que l’on essaie de vacciner la plus grande partie de l’humanité grâce à des produits au développement miraculeusement rapide. Mais on assiste aussi à une explosion des controverses et des certitudes, des sommités scientifiques ou médicales viennent nous exposer à la fois les risques et les comportements à observer tandis que la science élémentaire, celle de l’expérimentation et de la mesure des résultats a du mal à se faire entendre.

Le 17 Avril 2020 un chercheur déjà ancien, Luc Montagnier, Prix Nobel, apparait dans une émission avec Pascal Praud sur Cnews pour dire en quelques mots qu’il considère que l’origine du virus est sans doute une manipulation dans le laboratoire de Wuhan spécialisé depuis l’an 2000 dans les coronavirus. Son exposé est un peu confus et très affirmatif, il trouble mais rapidement des plus jeunes scientifiques se réunissent sur un document pour réfuter férocement une thèse de vieux schnock. Et, cerise sur le gâteau, le Président des USA dont la presse se nourrit des écarts vient soutenir cette hypothèse en parlant de documents émanant de ses services qui ne sont jamais publiés. Facile désormais de réfuter cette orientation et d’accuser ce malheureux pangolin du marché de Wuhan. Des inspecteurs « indépendants » sont finalement envoyés à Wuhan et reviennent les mains vides, les commentateurs et les politiques applaudissent trop vite à la fin de l’histoire. Ici comme ailleurs, la panne informatique-téléphonique de la semaine, les âneries désormais quotidiennes sur la politique de l’énergie, la « verdeur » de tel ou tel outil d’aujourd’hui ou de demain, on s’aperçoit de la fragilité d’un système où décideurs et journalistes n’ont plus aucune culture scientifique et laissent aller leurs émotions et leurs idéologies sans plus jamais se confronter au réel. La science est d’abord la culture du doute, puis de l’expérimentation et donc la corrélation ne suffit jamais à asseoir une thèse, il faut aller jusqu’à la relation de causalité. « J’utilise le vent » dit une dame -Ministre, donc je suis écologique ! On se situe alors trop loin de la science pour élaborer une réponse, c’est à désespérer de nos efforts collectifs pour assurer une éducation nationale de qualité.

En l’occurrence la paternité de l’interrogation sur l’origine du coronavirus, vite flinguée entre le vieux schnock et le Président à bêtises multiples aurait dû conclure dans un premier temps à l’évidence d’une corrélation. Celle-ci, au même titre que celle du marché animal de Wuhan aurait dû être suivie de travaux sans  conclure aussi brutalement sur la stupidité des auteurs , après tout Luc Montagnier a eu le Prix Nobel et Trump a disposé comme Président des USA de documents classifiés !

Comme industriel et ancien scientifique, je suis intervenu de façon fréquente sur l’utilisation insuffisante de la science et de l’industrie tout au long de cette année et demie de misère, et je ne pense pas, hélas, en avoir fini, car on continue à ne pas vouloir utiliser ce dont on est sûr pour lutter efficacement contre la pandémie aussi bien à l’échelle de notre pays qu’à celle de la France, mais je restais attentif à tout ce qui émanait des chercheurs qui essayaient de comprendre l’origine du mal. La corrélation qui me taraudait était celle de la localité de Wuhan, l’endroit où les chercheurs chinois se sont concentrés pour étudier les coronavirus au début des années 2000, l’endroit où une collaboration franco-chinoise a démarré dans les années 2003/2004 autour du SRAS et endroit où notre pays a aidé à la construction d’un laboratoire dit P4 qui devait être une merveille de compétences scientifiques et de sécurité ! Ce laboratoire a été inauguré par le Premier Ministre Cazeneuve en 2017, mais dès cette date les collaborations réelles avaient cessé et les chercheurs français étaient rentrés chez eux ! Les travaux de la chercheuse Shi Zhengli sur les « gains de fonction » des coronavirus étaient jugés dangereux et l’on sait combien les chercheurs français en biologie sont scrupuleux. Et donc lorsque le monde entier a considéré qu’il était plausible que le pangolin soit justement celui qui était à Wuhan je trouvais que cela méritait analyse plus approfondie. Et ceci d’autant plus que plus l’on parlait aussi de la chauve-souris, Madame Shi Zhengli du laboratoire P4 étant la spécialiste mondiale des coronavirus véhiculés par cet animal. Chercheurs américains et français (pas les vedettes qui savent tout !) ont donc continué à fouiller et le doute que j’avais au fond de moi depuis des mois prend forme. Ce n’est encore qu’un doute, pas la vérité, il fallait bien fouiller dans la corrélation, il reste désormais à aller plus loin dans la causalité seule acceptable, mais ceux qui pendant des mois ont balayé cette hypothèse doivent, même s’ils ont tous les grades et  titres ronflants se rendre à la raison, à la science , le doute est permis tant que la certitude n’a pas été prouvée, et il ne fallait pas jeter aux orties les vieux schnocks !

La nécessité de reprendre en mains l’enseignement des sciences en France, le caractère indispensable de faire venir auprès des responsables de Ministères techniques des hommes et femmes de la science et de l’industrie pour qu’ils comprennent de quoi ils parlent et sur quelles matières ils vont être amenés à décider est une urgence nationale.

En attendant cette révolution qui pourrait avoir aussi une saine influence sur les commentateurs prompts à matraquer une vérité contestable, il serait temps que nos décideurs apprennent à lire en commençant par ce qu’écrit David Asher. Que s’est-il passé dans ce laboratoire de Wuhan ? Comment la distance prise par les chercheurs français n’a jamais fait l’objet d’interrogations et d’analyses ? Comment expliquer cette inauguration en 2017 alors que les difficultés de la coopération commencent au moins depuis 2015/2016 ? Qu’est ce qui a été fait par les Américains qui semblent nous avoir succédé en demandant que soient versés des fonds au laboratoire en 2018 /2019 pour « assurer une meilleure formation » aux scientifiques chinois ? Et enfin puisque l’on nous rabat les oreilles sur l’OMS depuis deux ans, à quoi sert cette organisation internationale qui nous donne des conseils qui deviennent des ordres ? Qui sont ces experts « internationaux », une douzaine, qui reviennent les mains vides de Wuhan ? La science n’a pas seulement déserté la France, mais les organisations chargées de la promouvoir ? Incompétence, conformisme, corporatisme ?

3 commentaires sur “Origine du Covid-19 : derrière le doute, l’abus de la science émotionnelle

  1. D’autres questions :
    Pourquoi a-t-on limogé le directeur de se laboratoire juste après le lock-out ?
    Qui était le mari de l’ancien ministre de la santé Agnès Buzin ?
    Qui a manager le partenariat franco- chinois avec le laboratoire P4 ?
    Qui est Yves Levy ?

  2. Merci pour ce propos et ces questions(nements) indispensables.
    Notons, toujours la recherche par la corrélation, bien sûr…
    On note, une subtilité d’un parcours de R&D… et les conseils INDISPENSABLES à mettre en oeuvre..
    Signé ; Un autre (type) de vieux schnock ! Et toujours passionné de science

  3. Merci beaucoup pour ce bel article. Il suffit de regarder une vidéo sur le net comme n’importe quel journal télévisé, chacun peut voir combien la corrélation a pris définitivement l’avantage sur la causalité en matière de démonstration. Et c’est un problème dans des démonstrations de l’instant où l’émotion prend le pouvoir.

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