Pénurie de médicaments : voilà pourquoi le plan du gouvernement est un tout petit pas sur une très longue route

Atlantico : Ce mardi, Emmanuel Macron s’est engagé à relocaliser la production de 50 médicaments, dont 25 « dans les prochaines semaines » et a présenté un plan afin de retrouver une souveraineté pharmaceutique. Que penser de ces annonces ? Vont-elles dans le bon sens ?

Cela fait maintenant plus de deux ans que l’on parle de « souveraineté pharmaceutique » à la suite des pénuries lors de la crise du COVID. On pouvait attendre des responsables politiques une analyse, un diagnostic sur les raisons des délocalisations des fabrications et un exposé sérieux des remèdes. On a reçu un nouveau discours mais aucun traitement de fond, c’est-à-dire qu’on ne peut pas combattre les effets d’une situation effectivement préoccupante sans en exposer les causes. Et ce n’est pas 50 millions annoncés qui vont remédier à la catastrophe que nous connaissons désormais tous :  nous ne pouvons plus produire en France les médicaments qui permettent de nous soigner.

On pourrait retracer l’histoire de dizaines d’années d’abandon, et rechercher les responsabilités, d’autres s’en chargeront sans que ce soit bien utile, mais les causes du désert industriel des médicaments « critiques » sont simples à comprendre. Les principes actifs de beaucoup de médicaments ont émigré ces dernières années, et puis derrière aussi la mise en boite ou le flaconnage mais on ne peut pas tout mélanger , ce qui permet de soigner la population distingue des produits prescrits et d’autres considérés comme de confort et en vente libre. Il y a des produits issus de la chimie, d’autres venant de la biologie, de  « cultures » ou de « fermentations » et donc de cellules souches à la qualité plus ou moins bonne.

On a donc deux origines très différentes des médicaments et ensuite, à partir d’un principe actif, une présentation et quelquefois une marque.

L’industriel a, certes, comme objectif de soigner les patients et donc de satisfaire ses « clients », mais pour innover, mettre au point, obtenir les permis de commercialisation et investir il a besoin de gagner de l’argent. C’est la contradiction essentielle de l’industrie du médicament permettre de soigner tout en obtenant un prix rémunérateur.

La Grande Industrie dénommée souvent « Big Pharma » a privilégié les « Block Busters «, les produits universels et gagnant beaucoup d’argent, les petits « laboratoires » ont essayé de survivre en obtenant des prix suffisamment élevés de la puissance publique attachée, elle, à cause du remboursement , au contraire de contenir les couts pour la collectivité.

Si on ne tient pas compte de cette réalité, et surtout si on refuse de comprendre que les délocalisations des produits « chimiques «  ont été causés par les normes et règlements contraignant les pays comme la France à traiter méticuleusement tous les effluents des usines on ne peut , ni revenir en arrière, ni, surtout, aller de l’avant, on fait de la communication positive pour l’industrie, mais cela ne suffit pas !

Les annonces d’Emmanuel Macron peuvent-elles vraiment laisser la place à une vraie réindustrialisation ? S’attaque-t-il au nœud du problème ?

A quoi veut-on répondre ? A une industrie nouvelle des principes actifs ou à une industrie du « médicament », c’est-à-dire du conditionnement français de principes actifs venant de pays exotiques ? La réindustrialisation c’est quoi ? Une construction d’usines françaises ou de succursales de Big Pharma sur le sol national ? De quel problème parle-t-on ?

Si on veut la souveraineté, il faut obtenir des principes actifs sur notre sol , puis ensuite les conditionner, les présenter, en boites ou en flacons. Pour les principes actifs chimiques qui ont été chassés de notre pays par les couts nécessaires à la satisfaction des règlements environnementaux ? Pour obtenir l’autorisation de produire il fallait investir 3 à 4 fois plus que dans les pays comme l’Inde ou la Chine, il y a donc eu délocalisation de la part de toute la « Big Pharma ». Il n’ y avait rien de honteux à cet égard, tous les gouvernements occidentaux et surtout les Français, étaient « soulagés » de constater ces départs précipités, cela s’est fait en une dizaine d’années ! les produits ainsi obtenus étaient parfaitement identiques à ceux des usines européennes. On peut donner comme exemple le principe actif du paracétamol . Pour les produits issus de la biologie, où la qualité de la souche est essentielle, c’est par le prix insuffisant fixé par les pouvoirs publics que la délocalisation a eu lieu, et cela non sans danger car la qualité du produit final n’est pas garantie ! Les petits industriels qui veulent revenir sur la mise à disposition en France de ces produits, se heurtent à la pingrerie de l’administration , c’est le cas de l’amoxicilline dont on a beaucoup parlé ces derniers mois. On délocalise donc, d’une certaine façon, par une mondialisation assumée qui met le prix obtenu dans des conditions contestables en priorité par rapport à la souveraineté et la qualité. Et on ne parle pas de 50 millions mais de milliards ! L’industrie se construit avec des industriels , beaucoup voudraient reconquérir le pays avec des produits d’origine biologique, ce n’est qu’une question de prix du produit prescrit et vendu, et pas de subventions dérisoires pour des officines de Big Pharma.

Quels exemples de ces normes, réglementations et autres problèmes de prix illustrent cette problématique ?

Le traitement des effluents des industries chimiques était nécessaire, vouloir l’imposer dans des délais brefs sous peine de « mises en demeure » a été catastrophique pour la souveraineté. On a cru choisir la santé des populations, on a obtenu l’inverse , la difficulté de soigner : bel exemple d’aveuglement du court terme et de manque d’anticipation , c’est-à-dire de décisions « émotives ». C’est ce que nous observons de nouveau aujourd’hui, on se donne l’air de résoudre des problèmes que l’on n’a même pas étudiés en profondeur. Ce sont aux industriels de résoudre les problèmes industriels, pas aux gouvernements et aux administrations, il y a des candidats en France pour retrouver une industrie pharmaceutique chimique et biologique, il y a des usines existantes prêtes à s’engager, il y a des hommes et des femmes compétents et résolus à faire redevenir la France un grand pays pharmaceutique, mais il faut agir sur les normes environnementales et sur les prix , autrement on parle mais on ne fait rien.

Comment s’attaquer véritablement aux problèmes de l’industrie du médicament et permettre une véritable réindustrialisation ? Faut-il s’attaquer à  la pesanteurs des réglementations, à la fiscalité du médicament, etc. pour rendre la relocalisation attractive ? Comment faire ? 

Les initiatives sont nombreuses, elles se heurtent toutes à la sourde oreille des institutions qui ont conduit le pays dans le drame d’aujourd’hui, il suffit de revenir sur les normes inutiles, contradictoires et destructrices, et de vouloir vraiment rémunérer l’effort des laboratoires et des industriels en arrêtant de fixer des prix sans aucune considération pour la rémunération des travailleurs de la Santé de notre pays. En clair il faut changer de paradigme, la santé des Français d’abord et non les sanctions aux industriels et les économies de bouts de chandelles.

2 commentaires sur “Pénurie de médicaments : voilà pourquoi le plan du gouvernement est un tout petit pas sur une très longue route

  1. La santé d’abord. Ok, à quel prix ?
    Les années 90 ont supprimées la recherche en France et ont favorisées les laboratoires allemands qui valorisaient encore leur industrie qu’ils vendaient déjà en Chine.
    La vie dépend de l’économie. C’est comme ça.
    La loi du plus fort 💪
    😜😎💯👍😂

  2. Bravo pour cette analyse ,depuis les années 90 les recherches des laboratoires pharmaceutiques sont entrées en déclin car trop coûteux pour ne produire que du générique , un début de production est en cours , mais cela demande environ 5 ans avant d’avoir une production industrielle pour satisfaire un marché international.

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