Plan de relance : ce bon sens qui manque à la France pour sauver (vraiment) son industrie

Tandis que valsent les milliards du Plan de Relance à la fois national et européen, des salariés à travers le pays se mobilisent pour « sauver leurs emplois », en général liés à la construction automobile ou au secteur aéronautique.

Que ce soit à Saint-Claude avec MBF aluminium ou à Caudan  avec les Fonderies de Bretagne, le secteur de la fonderie est sans doute le plus rapidement touché. La raison en est simple, la politique décidée par le Gouvernement, le Parlement et les Maires des Grandes Métropoles va conduire à éradiquer les automobiles à moteurs thermiques du pays, ou, du moins, à interdire leur fabrication en France et à restreindre aux campagnes leur circulation. Un certain nombre d’élus constatent que ces mesures pénalisent une grande partie de la population, celle qui ne peut pas dans un temps court à la fois acheter un véhicule neuf et installer chez elle un branchement électrique, mais rien n’a permis d’ébranler les tenants d’une France tout électrique , même pas le spectre de pannes majeures probables dues à l’incohérence des décisions du Programme Pluriannuel de l’Energie qui veulent faire disparaitre une grande partie de notre richesse industrielle nationale, une énergie abondante et bon marché à partir de nos centrales nucléaires.

Pour les fonderies du secteur automobile on voit cependant qu’à l’évidence leur problème actuel vient de la politique « écologique » qui veut faire disparaitre les véhicules à propulsion thermique . C’est donc bien la politique environnementale qui conduit aux fermetures et on s’attend donc à une mise en cause par les syndicats et les salariés de l’impréparation des élus de la Nation des conséquences des décisions qu’ils prennent. Chacun devrait assumer ses responsabilités : vous ne voulez plus d’automobiles à essence ou diesel, que faites vous donc avec nos fonderies et autres usines liées à cette activité ? Lorsqu’une fabrication doit décroitre parce qu’elle ne correspond plus aux besoins ou désirs des consommateurs, on peut légitimement taxer les dirigeants des entreprises de manque d’anticipation, de vision et leur demander des comptes, mais lorsque c’est l’Etat ou les Etats qui décident qu’un produit bien vendu et souhaité par les utilisateurs doit être abandonné, ce ne sont plus les industriels qui doivent en subir les conséquences, ce sont bien les élus de la Nation qui ont pris la décision tout seuls et avec le soutien de  ce qu’ils estiment être la volonté du peuple. C’est donc au Gouvernement et au Parlement associés aux Maires des grandes villes de « payer les pots cassés » de décisions rapides qui maltraitent des secteurs industriels dont l’avenir semblait serein puisque répondant aux souhaits des clients.

La réponse à ce genre de situation, il faut le noter inédite, est simple : avant de prendre une décision radicale il faut en mesurer les conséquences et prendre les mesures de reconversion que sait prendre un industriel lorsque les consommateurs en viennent à bouder son produit. Un dossier comme celui de l’automobile qui pèse plus de 10% de l’activité industrielle nationale doit donc être étudié en amont si l’Etat se considère comme légitime de modifier les produits proposés aux clients. On ne peut pas en vouloir aux élus de vouloir prendre des décisions qu’ils estiment impératives pour l’avenir des citoyens, mais le fait de ne jamais vouloir en examiner les conséquences est incontestablement une faute qui fait partie de la sanction des électeurs boudant chaque jour un peu plus l’exercice du suffrage universel. N’importe quel chef d’entreprise introduisant de nouvelles règles dans son activité ou de nouveaux produits, veut mesurer les risques qu’il prend et prépare les mesures correctives nécessaires : au moment de prendre les décisions les élus auraient du demander et obtenir un dossier réalisé avec l’industrie automobile et leurs sous-traitants illustrant les effets dévastateurs et les reconversions à effectuer.

C’est là que la bonne compréhension du fonctionnement de l’industrie fait défaut à tous les niveaux du pays et que notre impuissance à modifier les comportements comme les discours peut finir par nous déprimer. Une industrie de production de biens, par conséquent de transformation, de « manufacture » repose sur deux investissements, celui des hommes (et des femmes !) et celui des machines.

Le personnel dédié à l’entreprise est la première richesse. La désindustrialisation du pays a conduit à l’affaiblissement du nombre de bons techniciens formés en France et à l’appel permanent à des compétences venant de l’extérieur du pays. L’industrie manque de bras et de cerveaux ! Qui prend en compte le temps réel de formation ? On considère qu’il faut sept années d’études pour « faire » un médecin acceptable. Combien pour un soudeur, un outilleur, un chaudronnier, un électricien… ? Pareil , et même plus si on écoute les chefs d’atelier qui fixent à quinze ans le temps requis pour l’excellence. Les robots rendent obsolètes ces qualifications ? Hé bien non ! Avec notre industrie flageolante c’est plusieurs centaines de mille spécialistes  que nous recherchons et que nous avons du mal à trouver. N’importe quel rassemblement d’industriels débouche sur la difficulté de trouver une main d’œuvre qualifiée et surtout volontaire pour réellement travailler, pour s’investir dans la conduite et le réglage des machines car si les effectifs ont fondu dans les ateliers, il en reste encore, et beaucoup ,avec des savoir-faire indispensables pour diriger, vérifier et corriger, les services « qualité » ont explosé ! Donc quand on a des compétences manufacturières remarquables comme à Saint-Claude dans le Jura ou à Caudan dans le Morbihan, avant de dire « suppression des véhicules thermiques » immédiate, on se doit de réfléchir à l’utilisation de ces personnels aguerris qui ont encore beaucoup de choses à apporter à l’industrie française et qui ne demandent qu’à travailler alors que bientôt il ne va s’agir que de discuter le prix de leur mise à pied ! Mais cela demande du temps, de l’anticipation et de la connaissance intime des compétences et de ce qu’est une politique de reconversion . Les industriels savent faire, mais il leur faut du temps, et les élus ne leur en donnent pas, c’est ce que Carlos Tavares, dirigeant de Peugeot et Stellantis appelle « casser la machine «. Si les mesures envisagées sont indispensables -ce qui reste à démontrer- le caractère inéluctable d’une bonne préparation doit être reconnu : anéantir avec  une décision de technocrates-bureaucrates des années de compétences est un drame humain et économique dont le pays va avoir du mal à se relever.

La deuxième richesse de l’entreprise industrielle ce sont ses usines, ses installations, son matériel, ce qu’elle a investi. On amortit les installations « légalement » sur sept ans en moyenne, ce qui montre les délais pour entamer une reconversion : au moins sept ans ! C’est à l’industriel de « sentir » la nécessité, ou non, compte tenu de l’évolution des marchés, de bousculer son parc machines, de l’adapter, de l’automatiser, de le robotiser, le numériser, mais lorsqu’il l’a fait et qu’on lui demande de tout jeter à la poubelle parce que le Gouvernement, le Parlement ou la Commission Européenne en a ainsi décidé, qui paie ?  S’il a connu de bons résultats, il va s’en sortir en déménageant dans un pays moins dément , c’est ce qui est en préparation depuis des années, s’il a subi des difficultés dues aux circonstances (comme la Covid) il va jusqu’à la liquidation et c’est l’ensemble du pays, salariés et contribuables qui paie ! On pourrait demander à ceux qui ont vraiment pris la décision de payer aussi : le prochain coup ils s’en prendraient peut-être à deux fois avant de voter des orientations aux conséquences aussi dramatiques. Les volontaires pour adopter la « loi climat » actuelle devraient y réfléchir.

9 commentaires sur “Plan de relance : ce bon sens qui manque à la France pour sauver (vraiment) son industrie

  1. bonjour Monsieur

    je viens de découvrir votre blog et je commence par la lecture de ce bel article plein de bon sens sur les incohérences de la politique industrielle et énergétique actuelle de La France

    Quel réconfort en vous lisant , il y a encore des esprits clairvoyants en France , mais ils sont trop rares

    Je suis fan de Jean Marc JANCONVICi qui est a mon avis le meilleur expert français en matière de transition énergétique

    je commence seulement a consulter vos papiers , mais je vous mets dore et déjà au même niveau que J.M JANCOVICI dans votre domaine d’expertise , l’industrie

    Bravo , continuez , votre clairvoyance redonne de l’espoir aux citoyens lamda , comme moi qui désespèrent en constatant la descente aux enfers de la France. tout se délite et notamment quand on voit dans quel état est aujourd’hui le fleuron français que fut le nucléaire !

    il serai intéressant que vous fassiez une conférence avec JM . JANCOVICI car vos avis et pronostics convergent

    Je vais consulter régulièrement vos écrits bien cordialement B.D

    1. merci de vos commentaires ! cela viendra surement, mais Jean-Marc Jancovici est un professeur, il aime bien être seul sur scène
      nous avons un point de désaccord sur la décroissance dont il accepte la perspective

      1. pour aller plus loin dans l’étude de votre pensée avec vous je suis en train de me procurer plusieurs de vos livres

        aprés lecture je reviendrai vers vous

        je suis assez d’accord avec ce que vous dites de JM JANCOVICI , ses interventions sont un spectacle bien rodé , un peu agaçant parfois car trop prolixe , avec certaine apartés gratuites , amusantes certes pour le grand public, mais qui n’apporte rien au débat

        Par contre je ne le suis pas sur sa théorie de réduction effrénée d’émission de carbone pour réduite le réchauffement climatique .
        De par ma position de climato -réaliste, je crois que l’activité humaine n’est pas la seule cause et il faut se souvenir qu’il y a 12 000 ans une fonte massive des glaciers qui recouvraient le Nord de la Planete ( plusieurs kilometres !) a entraine une hausse des océans de 100 métres environ . l’humanité n’en était pas responsable , mais une combinaison d’événements dont un cycle solaire ( cycle de milankovitch ).
        La suppression des moteurs thermiques ne résoudra rien au niveau climat et on voit mal comment remplacer nos 40 millions de véhicules thermiques ( 300 millions en Europe !) par des véhicules électriques alimentés par des éoliennes qui ne produisent que 25 % de la puissance théorique
        (Ma prochaine voiture , l’année prochaine sera un diésel )
        J’attends avec une impatience le prochain black out par une froide nuit de février , et on verra alors ce que les écolos glinglins diront
        Autre question que fera-t-on du diésel que l’on obtient obligatoirement quant on distille du pétrole ( idem pour l’essence )
        quand a croire au miracle de l’hydrogéne, qui va tout régler là aussi on marche sur la tête.
        Cette société me désespére

        1. autre question avec le tout électrique comment règle-t-on les possibilités d’inondation ? avec des diesels de secours comme pour les centrales nucléaires après Fukushima ? En Allemagne ou en Belgique allez dire aux habitants que la probabilité d’inondations ne mérite pas qu’on s’y intéresse !

  2. Bonjour,

    Je trouve vos articles, et notamment celui-ci, très intéressants et bien pensés. Je rajouterais 2 commentaires :

    Comme vous le dites fort bien, l’industrie dans un pays est une machine extrêmement lourde, délicate et complexe à développer et il faut se garder de tout dogmatisme : qui sait ce que sera vraiment le marché dans 10 ans ? Ne va-t-on pas s’apercevoir que l’électricité est polluante et doit être utilisée avec modération, mettant ainsi à mal le tout électrique vers lequel on se dirige aujourd’hui. Les industriels ont l’habitude de suivre le marché et d’anticiper ses évolutions, laissons-les faire en simplement les aidant (formations, fiscalité, appui sur les marchés extérieurs…), et évitons les réorientations à l’emporte-pièce qui suivent l’air du temps.

    Deusio, notre pays a forcément des coûts de revient élevés et ne peut bien vendre à l’extérieur que s’il se situe dans l’excellence. L’Allemagne et le Japon l’ont bien compris qui ont reconstruit après la guerre une industrie alors dévastée justement dans l’excellence : excellence technique en innovant, excellence des services, excellence de l’image. Ne devrait-on pas suivre cet exemple en consacrant les fonds de la relance, plan Marshall moderne, à aider les entreprises à suivre le même chemin ?

    J’ai voué ma vie au développement de la qualité concrète et de l’excellence. Hélas les orientations actuelles et depuis de nombreuses années sont à contresens….

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