Pourquoi veut-on tuer EDF ?

Le sort s’acharne souvent sur nos réussites nationales et nous y sommes forcément pour quelque chose, d’autres pays conservent jalousement leurs pépites et font tout pour, au contraire, les aider à prospérer. EDF, issue du programme du Conseil National de la Résistance à la fin de la guerre 39/45 est devenu un des fleurons français, copié et jalousé dans le monde entier : sa mission de service électrique universel destiné à l’ensemble de la population nationale lui a, en outre, permis d’exporter une partie de sa production chez nos voisins et surtout, grâce à ses Centrales Nucléaires, de satisfaire les tenants d’une politique climatique mondiale réductrice des émissions de gaz à effet de serre.

Autrement dit, bâtie sur l’idée d’universalité et d’indépendance, notre production électrique s’est, en plus, démontrée vertueuse au moment où le monde a souhaité diminuer la consommation des énergies fossiles. Cette évolution vers la nécessité de produire plus d’énergie électrique décarbonée aurait dû doper EDF, il n’en a rien été, c’est sa destruction qui a été enclenchée il y a vingt ans et les derniers actes sont en train de se jouer dans une indifférence quasi-générale.

Les élites nationales ont toujours craint les compagnies trop puissantes, c’était incontestablement le cas ici, mais aussi celles où les syndicats avaient trop de pouvoir, elles ont donc été consentantes dès le départ aux contraintes que voulaient imposer la Grande Bretagne et l’Allemagne sur un système jugé trop monopolistique et contraire à leur idée de la concurrence. Peu leur importait que le monopole production nucléaire-transport de l’électricité soit structurel, il fallait chez les technocrates européens susciter, inventer, un marché de l’électricité conforme à la doctrine libérale bornée.

D’année en année, la France a donc reculé à Bruxelles, acceptant d’abord l’opprobre puis des règles de démantèlement progressif, de séparation, de dislocation, au point que notre système électrique a dû accueillir les énergies dites nouvelles du soleil et du vent dont nous n’avions nul besoin, car leur caractère intermittent les rend beaucoup plus couteuses que ce que l’on en dit et que l’on en croit. Ainsi aujourd’hui les pêcheurs de la Baie de Saint-Brieuc demandent un moratoire sur le parc éolien qui leur est promis tandis que la Marine Nationale a envoyé six navires pour protéger les bateaux chargés de dévaster la mer près du Cap Fréhel pour y planter près de deux cent pieux au mépris de la flore et de la faune marine.

La facture pour les consommateurs a déjà augmenté de 40%, mais l’écologie radicale en demande toujours plus, oubliant par là-même son militantisme pour la protection de l’environnement. Tout ce qui peut être fait contre EDF-nucléaire est bon pour la planète, même si les espèces marines disparaissent ! Bel exemple d’aveuglement.

Par ailleurs le » marché » de l’électricité ainsi créé, artificiel, conduit à des aberrations permanentes, à des couts prohibitifs, et à des investissements douteux qui peuvent amener des pénuries. On frise tous les hivers la catastrophe car on veut remplacer une énergie abondante et bon marché par une énergie intermittente, chère, demandant des investissements de stabilité toujours plus importants. Le réflexe anti EDF et antinucléaire n’a plus aucune limite et on transforme une entreprise de femmes et d’hommes dévoués et compétents en une multiplication de chapelles plus vertes les unes que les autres tandis que l’électricité vient toujours de la même ligne et que personne ne peut savoir la couleur de la production de ceux qu’il reçoit.

Jamais la publicité n’a accepté un tel niveau de mensonge puisque le consommateur est appelé à payer une énergie encore plus verte tous les jours. Notre politique est en train de dégouter toute une profession électrique qui avait le sentiment, au contraire, de travailler dans l’énergie de l’avenir. Il n’y a pas une personne travaillant pour EDF, ses satellites RTE et Enedis et ses « concurrents « ou sous-traitants qui ne soit consciente du caractère illusoire d’un système français où l’électricité d’origine nucléaire ne serait plus que marginal, c’est au contraire l’ossature du service public de l’électricité et cela le restera pendant encore des dizaines d’années quoi qu’on en dise.

C’est la sécurité de disposer à tout moment d’une électricité « décarbonée » et la plupart des pays regardent de nouveau la disponibilité apportée par le nucléaire, avec les petits réacteurs (SMR autour de 400 MW), les réacteurs actuels (800 à 1200 MW) ou les plus gros comme l’EPR qui fonctionne à la satisfaction des Chinois.

Il y a donc deux problèmes, hélas liés, celui de la demande insistante des écologistes antinucléaires de ramener la production d’origine nucléaire  de 75% à 50% sans aucune rationalité que de favoriser les énergies intermittentes chères, et celui de la volonté de démanteler l’unité technique de la France autour d’une grande entreprise intégrée, EDF, au bénéfice d’une dispersion du savoir-faire. C’est cela qui porte la discussion actuelle du Gouvernement Français avec la Commission Européenne et c’est ce qu’il faut arrêter pour le bien commun de notre pays.

Nous ne pouvons pas passer d’un système qui a fait ses preuves et qui marche à un autre qui démontre tous les jours son caractère artificiel et mensonger. L’électricité était un de nos points forts de compétitivité, nous étions auto-suffisants et exportateurs, nous sommes en train de devenir chers et importateurs à la suite de nos lâchetés successives lors de nos négociations avec la Commission Européenne. Le dernier abandon, celui qui se prépare aujourd’hui est dévastateur et nous aurons du mal à nous en remettre car les professionnels du secteur n’en peuvent plus de prêcher dans le désert : « Pourquoi voulez-vous remplacer ce qui marche par ce qui échoue partout ? »

10 commentaires sur “Pourquoi veut-on tuer EDF ?

  1. Je partage à 100 % la justesse de votre analyse de cette impasse dans laquelle se trouvent EDF et le nucléaire français.
    J’espère un sursaut de nos dirigeants pour ne pas sacrifier l’un et l’autre sur l’autel de la sacro-sainte logique ultraliberale -qui s’applique mal à l’électricité non stockable- et sur le dogme antinucléaire de la commission européenne, puissamment relayée par l’Allemagne.

    1. Idem, analyse que je partage à 100%
      Le gouvernement a dans sa feuille de route de sacrifier tous les fleurons français sur l’hôtel ultra néo-libéral.

  2. Bien vu, y compris pour les syndicats d’EDF d’obédience marxiste qui auraient fait peur à Bruxelles. Une faiblesse coupable, qu’EDF qui les a laissés prendre de l’influence paye aujourd’hui.
    En revanche, je pense que M. le Floch Prigent s’illusionne quand il croit qu’à RTE et à Enedis on est convaincu d’aller dans le mur en abandonnant un système centralisé à base de nucléaire : les récentes déclarations de la patronne d’Enedis qui s’exalte à l’idée des moyens qu’elle va pouvoir obtenir pour reconstruire le réseau autour des éoliennes et autres panneaux solaires en dit long ! Idem pour RTE sous son ancien patron Brottes, père de la loi dite de Transition énergétique dont la principale motivation était d’affaiblir le nucléaire.
    Il aurait fallu dans ce blog désigner les responsables de ce désastre : il s’agit du gouvernement Sarkozy/Borloo qui a initié la « loi NOME » laquelle a permis aux concurrents d’EDF d’acheter 25 % de la production nucléaire d’EDF bien en dessous de son coût de production et surtout du prix du marché : la CE a sauté sur l’aubaine pour verrouiller un dispositif qu’elle n’est pas près de relâcher tant qu’EDF ne sera pas à genoux.
    Mais le pire est à venir : le projet que la CE semble être en passe d’imposer voudrait qu’EDF vende 100 % de sa production nucléaire à n’importe quel fournisseur européen. Si c’est le cas, le nucléaire français serait ainsi « mutualisé » au sein de l’UE, avec comme effets :
    – De précariser notre modèle français, car nous n’aurions plus la garantie que les kWh fiables (car non intermittents) et bon marché serviront en priorité notre économie
    – De renforcer les pays comme l’Allemagne qui se sont lancés imprudemment dans l’impasse d’énergies intermittentes, car le nucléaire leur servirait à la fois de « backup » (compensation gratuite de l’intermittence) et d’amortisseur économique (le prix de marché fluctuant moins).
    Si notre gouvernement accepte ça, il serait à la hauteur de celui de Sarkozy, c’est-à-dire en dessous de tout.

  3. Analyse pertinente. Je reste néanmoins très pessimiste au devenir de l’entreprise préférée des français, avec ses emplois nationaux de haute technicité et un modèle social unique.

  4. La même politique stupide qui fait le bonheur des promoteurs renouvelables dopés à bloc avec les euros green deal dans les yeux.
    Nous avons la même chose en Belgique avec une ministre vert pomme dont la stupidité et l’arrogance ignare nous conduisent droit dans le mur avec la complicité d’un parlement de zombies.

  5. J’approuve tout ce que vous dites. L’électricité est un bien commun. Vive une seule société nationale de service public par pays, intégrée verticalement de la production à la distribution, et interconnectée avec ses voisines… avec obligation de résultats et responsable devant le Parlement des élus (ONGs vertes: silence dans les rangs ! rien à voir: circulez!). Il faut rejeter la libéralisation bancale qu’on a mis sur pied (preuve: après 30 ans on n’arrête pas de mettre des emplâtres sur des jambes de bois pour essayer de la faire marcher et cela va de mal en pis… en attendant pire encore pour bientôt: le couplage des marchés de l’électricité, du carbone et de l’hydrogène: bonjour le chaos!). Les anglais nous l’ont imposé… ils se sont tirés… abandonnons leur héritage et faisons machine arrière toute… et vite… mais je rêve…

  6. Les éoliennes ont une productivité extrêmement faible et un rendement insignifiant
    Il y a d autres moyens
    D autre part elles sont importées d Allemagne le plus souvent donc aggravent le déficit commercial de la France et les contribuables français en pâtissent.
    Arrêtons cette ineptie des eoliennes

  7. Bonjour Monsieur Loik Le Floch Prigent,

    Je vous sollicite aujourd’hui car vous communiquez sur les réseaux sociaux des GAFAM et vous êtes absent de la seule plateforme numérique française Smartrezo.com qui est une alternative aux GAFAM et qui milite pour un Numérique Souverain.

    Smartrezo est boycotté par notre exécutif depuis 4 ans déjà, et également par les communicants car le Rank qui lui est attribué par les outils d’internet affiche un trafic de 0 …. rien de plus normal, nous luttons principalement contre l’exploitation des données de navigation des internautes par les GAFAM et pour cette raison il n’existe aucune balise de traçage ou de média-métrie sur notre plateforme. Pas de balise = pas de trafic et pourtant sans être très connu, notre trafic dépasse les 11 millions de visites chaque mois.

    Je vous écris aujourd’hui car votre tribune sur EDF est pour moi très importante et les citoyens doivent être informés de cela. Comme vous le savez les réseaux sociaux augmentent l' »entre-soi » et l’information ne circule pas, les seules informations qui circulent étant les sujets à médiamétrie que les médias bien en peine amplifient chaque jour en en faisant des sujets majeurs.

    Acceptez Monsieur de rejoindre Smartrezo et pourquoi pas aidez moi a trouver les bons partenaires afin que la France et donc l’Europe puisse s’opposer aux GAFAM.

    Je me tiens à votre disposition pour toutes questions.

    Cordialement,

    Michel Lecomte
    Président fondateur de Smartrezo
    SASU LocaleTV
    tel : 05 63 65 88 04 – 06 62 56 54 17

  8. D’un point de vu technique (ingénieur électrotechnique, issu de la pratique, entretien-maintenance), le propos ici se tient évidemment, pour tout homme du métier ; tout prof. d’électrotech. de donner, normalement, aussi les bons ordres de grandeurs (vs W de la marche jusqu’au plus gros générateurs dont versant écolo vrai).

    Anecdotes, parmi d’autres :

    * Sourions, ou presque : vers 1978 notre oral probatoire sur les panneaux solaires (selon les sources de nos majeurs de l’époque, dont en France) ; rendement environ 20% (dans la pratique 16%) et en labo (on espère 40%), 40 ans plus tard, les choses n’ont pas bougées (sauf à la marge). Un jeune 25-30 ans de l’ADEME, auquel on lui fait noter cela, de nous certifier que l’on arrivera à ces 40% !!!

    * Ailleurs, gamin, muni d’un CAP électromécanique, nous aurions voulu nous construire NOTRE ÉOLIENNE… et nos rêves de tomber avec les travaux de collègues du CEA … et de chercheurs associés. Ah, 50 ans plus tard en Côtes du Nord (!!!), habitons face à des éoliennes (100 m de hauteur), et pouvons observer qu’elles ne « tournent » que 25 à 30% du temps (on nous 35, peut être).

    * Suggérons que nombre de nos jeunes, suivent, pour le moins des cours et TD d’électrotech. suivi d’un stage, ou d’une expérience avec ces pro. (en effet, même un BTS ou DUT de ce type de formation, ne suit pas toujours les bonnes règles…. de sécurité (autre domaine du domaine).

    Voici, voilà, pouvant paraître sévère … mais c’est la pratique.

  9. Bonjour,
    Outre que nous donnions récemment sur ce site, un avis positif quant à l’article, ci-dessus, de Loïc Le Floch Prigent, voici en complément une lecture défférenciée :
    – Comment l’Allemagne tente d’affaiblir durablement la France sur la question de l’énergie
    – Le lien : https://www.ege.fr/infoguerre/comment-lallemagne-tente-daffaiblir-durablement-la-france-sur-la-question-de-lenergie
    Bien amicalement
    pour info. : nos avis, sont issus d’un expérience industrielle certaine, dont de spécialistes W :
    – 1965 à 2010 Renault Billancourt, Thomson, CGE, LCIE, Bull ; avons évidemment « croisé » tous ces patrons, compris des PDG
    – depuis 1995 à aujourd’hui membre IMdR… – diplômé Cnam électrotech. + Grenoble Inp (mastère europe)

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