Sobriété, pénurie, délestage : où allons-nous avec notre secteur électrique ?

Les erreurs commises par le passé sont suffisamment lourdes de conséquences dramatiques pour que l’on accepte  de réfléchir en gommant les positions émotionnelles et idéologiques.

D’abord un constat : tout le monde a vu que malgré les rodomontades des dirigeants actuels ou passés, il est à craindre que dès l’hiver prochain notre pays manque d’électricité.

Devenus désormais importateurs d’électricité, les Français sont donc avertis par leur gouvernement que certains d’entre eux peuvent se retrouver « dans le noir » dans quelques semaines. C’est un changement car on leur avait dit que le pays était exportateur et qu’en conséquence il ne fallait pas trop investir dans la production largement majoritaire d’électricité d’origine nucléaire.

Le réveil est donc difficile et c’est le retour au registre des peurs et des restrictions comme lors du covid.

La question de savoir comment nous en sommes arrivés là est désormais dans tous les esprits à condition d’avoir pris la peine de s’y intéresser. Les responsables se défendent mollement, inutile de les accabler encore plus, d’autant que leurs propos passés passent en boucle sur les réseaux sociaux. Il est plus intéressant de savoir comment s’en sortir si nous le voulons vraiment, c’est-à-dire si l’objectif est bien d’éviter les pénuries et les drames et non de punir les Français des décisions antérieures qu’ils ont accepté par ignorance, lassitude, idéologie…

Un pays maintient son niveau de vie s’il dispose d’une énergie abondante, bon marché et souveraine. Il est clair que ce n’est plus le cas et le fait de poursuivre l’idée que nous allons être désormais dans une situation future d’énergie restreinte, chère et dépendante de producteurs et de matériels étrangers est un abandon consternant de volonté de conserver notre prospérité. Ces propos sont donc inacceptables tout comme les égarements qui en découlent.

Les mesures sur le court terme pour augmenter la production, réduire les prix et maintenir une indépendance ont-elles été prises ?

La réponse est clairement non.

Les centrales nucléaires, l’hydroélectricité, le gaz, les installations charbon/pellets n’ont pas bénéficié de toutes les mesures d’urgence que la situation actuelle pouvait faire espérer. On a simplement voulu accélérer le passage au Parlement de l’urgence des énergies renouvelables éoliennes et solaires dont nous savons tous qu’elles n’ont aucune efficacité car intermittentes et nécessitant des installations pilotables complémentaires. Cumuler ces deux exigences à échéance de quatre années est cher puisqu’elles exigent des investissements lourds en modifications majeures de réseaux.

Le solaire et l’éolien ne peuvent pas « remplacer » les centrales pilotables dans de bonnes conditions économiques puisque leur présence nécessite leur « doublage » par des centrales pilotables pour la continuité du service de l’électricité et l’absence de délestages.

En ce qui concerne les centrales nucléaires ont été cumulés un programme de maintenance retardé par le covid avec un avatar lié à la « corrosion sous contrainte » d’éléments du secteur secondaire dans sept centrales en les arrêtant par précaution de « contagion ». C’est une manifestation de la peur et non de la raison ! Avant de se précipiter dans ce drame de sous-production pour l’hiver 2023 il aurait fallu un examen plus approfondi et non émotif. Celui qui arrête des centrales est félicité, celui qui accepte leur poursuite d’activités est trainé dans la boue… On connaît le résultat.

La vie industrielle est une succession de risques et celui qui n’en prend pas doit changer de métier.

On pourrait multiplier les commentaires : sur les grèves surprises en pleine urgence à EDF, sur les attaques de l’écologie politique sur les barrages et les réserves d’eau, l’absence de déclaration d’urgence sur les travaux à entreprendre, les retards dans les appels d’offres et les financements, les économies de bouts de chandelle demandés aux uns et aux autres, et surtout les déclarations fracassantes de tous les médias sur le fait que l’hiver prochain allait être sauvé par l’éolien et le solaire !

Il se trouve que ni le vent ni le soleil ne sont au rendez-vous de l’hiver européen et donc de la demande des consommateurs depuis plus de quinze ans et que tout le monde peut le dire et le montrer.

Par ailleurs et toujours sur le court terme on n’a pas examiné de façon systématique comme dans tous les autres pays européens comment remettre en fonctionnement les centrales à charbon ou à fioul, par exemple Le Havre et Porcheville en ce qui concerne EDF.

De même pour 2024 aucun examen sérieux n’a été réalisé sur la réouverture de Fessenheim, une des meilleures centrales existantes. Enfin, pour utiliser au mieux les centrales actuelles et limiter les dépenses la priorité donnée aux énergies éolienne et solaire sur les réseaux est absurde et mériterait d’être révisée. Elle n’a été donnée au secteur intermittent que pour mieux justifier des investissements inutiles et coûteux, la France s’appuyant sur 75 % d’électricité d’origine nucléaire. On n’a pas non plus demandé une ouverture en urgence de Flamanville 3 qui semble désormais au point !

Un marché de l’électricité faussé

Enfin le marché de l’électricité créé par idéologie pour justifier la présence de parasites entre les producteurs, transporteurs, clients et consommateurs se doit d’être supprimé pour que l’on revienne à la politique des tarifs qui a montré son efficacité depuis des dizaines d’années.

L’Espagne et le Portugal, non connectés au reste de l’Europe, se sont écartés de ce marché piloté à Leipzig. En conséquence ces deux pays disposent d’une énergie électrique trois fois moins chère que chez nous alors que c’est notre coût de production qui est le plus bas de tous, soit environ la moitié du leur !

Tant que l’on n’entre pas dans cette grille de lecture de l’approche de notre hiver on n’a pas le droit de faire peur à la population sur un hiver rigoureux et des restrictions y compris celle de l’ouverture des écoles. La responsabilité régalienne c’est de fournir une énergie abondante, bon marché et souveraine et donc de prendre toutes les mesures d’urgence susceptibles d’y parvenir sans mentir effrontément sur la capacité de l’éolien et du solaire pour le réaliser dès les deux hivers prochains ! On veut accélérer les programmes de ces deux sources pour éviter des pénalités européennes acceptées bien que stupides puisque dans le même temps l’Allemagne va se fournir cet hiver presqu’intégralement avec des centrales à gaz ou charbon avec les félicitations de la Commission européenne.

Sur le moyen terme on sait qu’il va falloir accélérer les programmes de maintenance des centrales actuelles en les dopant, en leur prolongeant de dix à vingt années supplémentaires tout en se décidant d’en construire de nouvelles, non en 15 ans comme annoncé dans les journaux mais en 5 ans comme en Chine avec nos plans, nos techniciens et nos entreprises ! Il faudra commencer par celles qui sont dans les cartons mais ensuite apprécier la possibilité d’en faire des plus petites (dites SMR) ou des centrales à neutrons rapides (RNR) dont nous avons arrêté stupidement la construction et l’étude deux fois : Superphénix en 1997 et Astrid en 2019.

La réflexion sur un outil complémentaire hydroélectrique sera sûrement utile.

À coté de l’outil du nucléaire qui fonctionne en base continue, il faut du pilotable flexible et c’est l’hydraulique le plus performant et renouvelable, correspondant entre 11 et 15 % de la production nationale.

La géothermie, la méthanisation et les énergies solaire et éolienne doivent continuer à assurer les productions pour circuits courts et donc être étudiées en améliorant les rendements et en utilisant les smart grids pour éviter les surcoûts de réseaux. Souvenons-nous aussi que nous importons désormais du gaz de schiste américain alors que nous pourrions en deux ans utiliser celui de notre sous-sol pour environ 15 % de notre consommation.

Conclusion

Les erreurs commises par le passé sont suffisamment lourdes de conséquences dramatiques pour que l’on accepte de réfléchir en gommant les positions émotionnelles et idéologiques. Il faut passer les hivers prochains et prendre les bonnes décisions.

La sobriété c’est la pénurie, le déclin et la poursuite de la désindustrialisation, la fuite des cerveaux et l’antichambre du désespoir de l’ensemble de la population. On ne peut s’y résoudre avant même d’avoir entrepris toutes les solutions aveuglantes ici juste esquissées.

6 commentaires sur “Sobriété, pénurie, délestage : où allons-nous avec notre secteur électrique ?

  1. Et pourquoi ne pas industrialiser des centrales thermiques solaires constituées d’une tour solaire thermique et d’héliostats. La tour reçoit la lumière du soleil concentrée par les héliostats. La technologie française est disponible.

    Les premiers modèles utilisaient les rayons concentrés pour chauffer de l’eau, et utilisaient la vapeur produite pour alimenter une turbine. De nouveaux modèles utilisant du sodium liquide ont été testés et des systèmes utilisant des sels fondus (40 % de nitrate de potassium et 60 % de nitrate de sodium) comme fluides sont maintenant en fonctionnement. Ces fluides ont une capacité calorifique élevée, qui peut être utilisé pour stocker l’énergie, avant de l’utiliser pour faire bouillir l’eau afin d’actionner des turbines. Ces conceptions permettent de générer de la puissance lorsque le soleil ne brille pas.

    Et pourquoi ne pas utiliser le projet solaire Marocain qui focalise les rayons solaires sur une structure en faisant bouillir une huile spécifique à plusieurs centaines de degrés pour ensuite faire marcher des turbines à vapeur, ce liquide a comme particularité de garder sa haute température même pendant la nuit (une lente dissipation de chaleur) donc un fonctionnement continu.
    Le premier prototype de ce genre était Français, c’est le grand four solaire d’Odeillo. Voilà un résultat du génie Français que l’ont pas su exploiter et encore moins exporter!

    1. Reste que quelque soit la technologie pour exploiter les photons, qui sont une source primaire non directement associable à un système de production, elle nécessite la présence de photons ! Ce qui exclu, la nuit, les journées non ensoleillées, les aléas climatiques, le passage de certaines masses nuageuses… Ajouter à cela les phases de maintenances, et la perte physique de rendement de ce type d’installation, et vous obtenez en bout de chaîne un rendement d’exploitation moyen de 15 % (chiffre monde). Ce chiffres est de 11% en Allemagne, et de 20% dans la zone Nord africaine.

      Bref, comme le rappelle LLFP, il s’agit là de système intermittent qui fournissent de l’énergie, sous nos latitudes, que 15 % du temps. Les 85% restant, il faut bien s’appuyer sur une production pilotable.

      Pire, non seulement ce système est intermittent, mais il est aussi non prévisible… Ainsi, nul ne peut savoir si il y aura un peu, bcp, pas du tout, de soleil en janvier 2025….

      Bref, ces technologies sont des non sens économiques et techniques. Leur installation ne vaut que pour répondre au dogmatisme écologique actuel, qui est dans le fond une fausse religion.

  2. Mettre au point une filière de production électrique, cela ne se fait pas du jour au lendemain. Des centrales thermiques solaires ont été construites aux USA et fermées pour cause de performances insuffisantes et coûts de maintenance exorbitants ! Des centrales nucléaires « innovantes » ont été construites en France et se sont révélées des échecs, comme notre filière graphite-gaz ou SuperPhénix (alors que Phénix utilisée en centrale de base avait été un succès !) Il n’y a pas de raison que les français réussissent au premier essai ! Que l’on fasse des prototypes de petite taille (quelques dizaines de MWe), pourquoi pas, mais ce n’est pas sur cette technologie qu’on peut être sûr de reconstruire un réseau fiable dans les 10 ans à venir. Pour cela, il faut en urgence utiliser des technologies connues, comme des turbines à gaz (alimentées au gaz ou au fuel), des centrales charbon éventuellement, des centrales nucléaires de design « éprouvé » (pourquoi pas de conception chinoise), et disposer de sources fiables de combustible, dont le gaz ou pétrole de schiste extraits de notre sol !

    1. Bonjour Papillo.
      Mais pourquoi le projet marocain est financé, pour le principal, par des intérêts allemands et nous qu’à la marge… s’il n’est pas, in fine, destiné à fournir le marché allemand, via cette fameuse interconnexion électrique (Maroc/Espagne puis) Espagne/France que le Président Macron a refusé de construire… C’est bien la preuve que cette production d’électricité est devenu mature et rentable et doit pouvoir servir a fabriquer de l’hydrogène, imaginons en Espagne et qui circulera un jour… dans le pipeline projeté, vers Marseille.

  3. Bonjour,

    Vos parlez de ré-examiner le cas Fessenheim? Pourriez vous en dire plus, j’avais lu (où? Je ne retrouve pas) qu’un point de non retour avait été atteint quelque part au printemps dernier et que de ce point de vue c’était sans espoir.

    Je me rappelle m’être alors dit que ne pas faire machine arrière dès le 23 février, après n’avoir pas eu le courage politique de revenir dès 2017 sur une décision stupide de son prédécesseur pour complaire à l’Allemagne anti-nucléaire frontalière, était vraiment d’une bêtise sans nom (sauf à donner celui de notre président depuis ré-élu): Je n’ai pas fait l’ENA, mais en école d’ingénieur au milieu des années 90 tous les physiciens/chercheurs faisant cours étaient parfaitement conscients que le nucléaire, il en allait tout simplement de la survie de l’humanité.

    Fukushima à fait mal, Angela a avalée une couleuvre de plus (carrément son chapeau de physicienne nucléaire de formation, ici) pour durer politiquement dans son pays (avec un succès indéniable), mais nous n’avions aucune raison de complaire à ce pays dont les buts interrogent (voir aussi côté défense).

    En 2017, le 24 décembre précisément (sic!), on se rappellera aussi utilement d’une loi interdisant l’exploitation d’énergies fossiles sur le territoire français après 2040: Ceci semble avoir mis un coup d’arrêt à des prospections autrefois annoncées prometteuses en Guyane, puis abandonnées pour reprendre au Suriname voisin et redevenir comma par magie prometteuses.

    Bon, c’est peut-être la vérité, mais il est ici permis de douter: Un gisement de pétrole (+sans doute gaz) pas encore exploité dont on annonce que dans 20 ans c’est fini, comment espérer le rentabiliser! En allant enrichir le voisin ne légiférant pas en se tirant des rafales dans les pieds, peut-être?

    Pour l’avenir, avec la 2ème ZEE du monde, il me semble que cette loi devrait être abrogée au plus vite ou bien d’autres feront ce que nous n’aurons pas fait et avec une économie permettant de s’armer de manière à le faire par la force au besoin: La Chine construit actuellement à peu près l’équivalent de notre Marine Nationale tous les 4 ans depuis environ 10 ans et accélère. Ce n’est clairement pas pour faire des ronds dans l’eau.

    Dans l’attente de lire vos précisions/avis sur ces questions, recevez mes meilleures salutations.

  4. question pour loik , mme lauvergeon a declare sur europe 1 que edf n etait pas tres performant en terme d entretien de chargement de combustible en fait de taux d utilisation annuelle de 60%contre 90% pour les centrales nucleaires françaises par rapport aux americains est-ce vrai ? et pourquoi ?

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.