Un avenir pour Renault ?

L’annonce de résultats très fortement déficitaires en Juillet 2020 est un beau cadeau d’accueil pour le nouveau dirigeant de Renault, il lui sera difficile de faire pire !

Les raisons évoquées par la presse spécialisée sont surprenantes, coronavirus et mauvaises performances de Nissan dont Renault possède 43% ! Et de se précipiter pour expliquer que, de toute façon, l’Etat ne pourra pas abandonner Renault comme l’Etat Fédéral Américain n’a pas pu abandonner General Motors ! A force de vouloir faire simple on finit par dire des bêtises.

Premier élément que tous les manuels nous apprennent : le patron c’est le client. C’est particulièrement vrai pour l’industrie automobile. Commission européenne et Gouvernement ont beau menacer, contraindre, punir, subventionner, le consommateur européen ne se précipite pas sur le véhicule électrique, mais plutôt sur les fameux SUV protecteurs et consommateurs. Les investissements consentis contre leur gré par les constructeurs et les coups de frein apportés au diesel ont couté cher à tous les industriels et la rentabilité n’est pas au rendez-vous ! Le coronavirus est arrivé au bon moment pour justifier un ralentissement d’activité, et l’utilisation du chômage partiel a été une opportunité bienvenue pour le secteur automobile, il y a donc eu ce qui s’appelle un effet d’aubaine. Le secteur automobile français, dont Renault, était malade des diktats politiques voulant partir à la chasse aux voix de l’écologie politique, le covid-19 n’a été qu’un accélérateur, et le mal va résister au déconfinement, on a oublié que le patron est le client.

Mais dans ces périodes de crise les dirigeants d’entreprises sont ceux qui anticipent les réactions des consommateurs, qui comprennent comment la société évolue et qui lui servent le produit qu’elle désire : par exemple qui aurait pu imaginer le succès de la Porsche Cayenne à part le flair du professionnel ? Pas les fonctionnaires ou les gouvernements en tout cas ! Il faut des dirigeants d’entreprises courageux et résistants, aptes à ne pas suivre les « directives » mais plutôt préparés à anticiper les nouvelles consommations …méfions nous donc des engouements médiatiques à l’égard de l’électrique pour tous et l’hydrogène vert pour demain. Les salariés des entreprises sont les premiers à payer pour les erreurs des décideurs, politiciens, fonctionnaires et commentateurs qui ont l’arrogance des irresponsables.

Enfin nous nous apercevons, un peu tard, qu’une entreprise dont on a acheté 43% peut peser sur les résultats si on ne s’en occupe pas ! Quelle surprise !

Lorsque la décision est prise de porter secours à une entreprise, Nissan en pleine déconfiture, Renault perçoit une opportunité, mais autour d’un projet de redressement et avec l’aide d’un professionnel qui venait de faire ses preuves et qui était volontaire, Carlos Ghosn. On ne veut pas vexer les japonais, on ne prend pas la majorité, mais Renault devient le premier actionnaire, la référence, et fournit l’équipe dirigeante : on ne laisse donc rien au hasard, Renault prend les rênes et la réussite de Nissan sera la sienne ! Le redressement sera spectaculaire, de 1999 à 2005 et Carlos Ghosn est appelé à Paris pour secourir la maison mère cette fois-ci. C’est alors que prend corps non plus le concept classique, mais celui d’une alliance en Renault et Nissan avec des échanges de fabrications, de composants, de conceptions, de modèles, avec les fameux plans de performances de Carlos Ghosn. Il était loin d’être seul dans cette aventure originale, et l’histoire vient de montrer que ses collaborateurs étaient à la hauteur, l’un vient d’être  nommé à la tête de Jaguar-Land Rover en Grande Bretagne, un autre a pris brillamment  le commandement de KIA en Corée du Sud . Le plan faisait une part au développement du véhicule électrique amorcé d’abord au Japon avec la « Leaf » et devait se décliner en France en commençant par la » Zoé » . Mais les pouvoirs publics , plutôt que de donner des directives ,souvent contradictoires ,  auraient mieux fait de réaliser un programme de bornes et de réseaux , puis calculer les besoins en électricité , cela leur aurait sans doute évité de fermer Fessenheim, la centrale nucléaire alsacienne, et de pousser les énergies éoliennes intermittentes inutiles. Le vrai projet national était celui du réseau des bornes de recharge et de son alimentation pour assurer la satisfaction du client, celui de la voiture électrique que l’électorat supposé avait envie de voir généraliser. Les constructeurs et les équipementiers étaient plus circonspects. Si les villes surpeuplées et polluées avaient besoin de voitures moins émettrices, ils savaient que les évolutions de la consommation ne se décrétaient pas et que la cohabitation thermique/électrique allait durer , ne serait-ce que parce que la moitié du territoire français est rural, et que dans cette moitié c’est le diesel qui est désiré parce qu’il consomme 25% de moins que l’essence et que l’électricité n’y est pas foisonnante .

L’avenir sombre qui se profilait en 2018 rendait nécessaire une redéfinition de l’Alliance , mais c’est le moment qui a été choisi pour se lancer dans un nationalisme de façade inutile France-Japon avec une conclusion tournant le dos à la structure capitaliste de l’industrie : par décision de l’actionnaire principal, l’Etat Français, Renault japonisait la direction de Nissan et considérait ne plus avoir droit de faire valoir ses 43% dans le capital …Renault acceptait sans discuter les décisions du patron de sa filiale …qui n’était plus Carlos Ghosn . Ahurissant de bêtise et d’anachronisme : au lieu   de rentrer dans le monde moderne, on s’en tenait aux postures de luttes picrocholines . Cerise sur le gâteau, le seul qui peut encore agir car il a encore le titre de Président de Nissan, Carlos Ghosn, est mis en prison fin 2018 au Japon et on ne fait rien en France pour l’en sortir, on l’enfonce au contraire, laissant Nissan gérer (mal) Nissan ! On récolte ce que l’on a semé, au bout du compte les résultats de Renault sont plombés par les mauvais chiffres de sa filiale à 43%, et on incrimine …Carlos Ghosn.

Maintenant comment en sortir ? Difficile car Renault, Nissan et désormais Mitsubishi Motors sont imbriqués dans une grande partie des conceptions et fabrications. Il ne sert à rien de se faire plaisir en disant « on va vendre », c’est désormais plus compliqué que cela ! Il va falloir retricoter une gestion d’ensemble avec un leadership Renault et là ce n’est plus une question « nationaliste » mais c’est l’autorité du chef et son charisme qu’il faut retrouver. Avant de préparer une césure, il faut de toute façon redresser Nissan et ce ne peut être que sous l’autorité « reconnue » et non « subie » du dirigeant de Renault sur celui de Nissan et celui de Mitsubishi Motors. On a bien compris que cela allait passer par des suppressions d’effectifs et des fermetures de sites, cela c’est la retraite, mais cela passe surtout par un projet commun mobilisateur d’énergies et par une réelle équipe soudée prête à prendre sa revanche. En ce qui concerne les Etats qui ont envie d’en découdre, qu’ils s’occupent de leurs affaires, à savoir les réseaux susceptibles d’accélérer les désirs des consommateurs à acheter des véhicules électriques, qu’ils arrêtent de penser que cela va conduire à stopper l’achat et la circulation de véhicules thermiques diesel et essence, et s’ils pensent au véhicule à hydrogène qu’ils fassent confiance aux constructeurs. S’ils souhaitent avoir les batteries du futur sur le sol européen, que les Etats pensent à la disponibilité des matériaux nécessaires et qu’ils acceptent de rouvrir des mines en Europe…chacun son métier, les Etats ne recèlent pas les talents qui permettraient qu’ils puissent se prendre pour des industriels, nous sommes toujours dans un système capitaliste, nous ne sommes pas revenus au système soviétique !

8 commentaires sur “Un avenir pour Renault ?

    1. Tibet, Bolivie, Chili , là où il est le moins cher
      en tant que métal il explose à l’air et à l’eau, la logistique est très coûteuse en conséquence .
      pour le « fixer » et éviter les explosions on a besoin du cobalt. Premier producteur République Démocratique du Congo , premier acheteur 95% la Chine .

  1. Nous ne sommes pas revenus au système soviétique mais nous sommes toujours dans le système étatique socialiste qui a crée sa faillite

    1. je suis en train d’écrire sur ce sujet , en fait les élites énarchiques peuvent être de la droite libérale profonde , mais elles sont toutes persuadées d’être plus intelligentes que les industriels et d’avoir droit de décider ! elles se disent libérales mais ne savent pas ce que cela veut dire !

  2.  » …et s’ils pensent au véhicule à hydrogène qu’ils fassent confiance aux constructeurs… »

    Pardonnez-moi, mais, avec cet engouement médiatique parfaitement orchestré, les Allemands sont en train de préparer une escroquerie encore plus considérable que celle de l’éolien et dont, comme l’éolien, leurs partenaires de l’UE se disposent à être les dindons !

    Aujourd’hui, je prends le pari que le marché du véhicule à hydrogène ne sera jamais, au mieux, qu’un marché de (très petites) niches. Ce pronostic sans appel ce n’est pas moi qui le prononce, mais des lois de la physique déterminant en premier lieu celles du marché, et les lois de la sécurité qui les déterminent en second. Outre que, au premier accident grave, c’en sera fini de ce mode de propulsion, comme c’en fut fini du dirigeable à hydrogène, après l’accident du Hindenburg, commercialement parlant, il en ira peut-être différemment le jour où les hommes auront accès à des gisements bon marché d’hydrogène naturel !

    En attendant, ce carburant il faut le fabriquer à partir de deux sources hors de prix, le reformage pétrolier et l’électrolyse, avec un rendement dit du puits à la roue catastrophique ; toute autre méthode industrielle dérivée de celles-là et autre source accessoire – biomasse, renouvelables… – n’échappent pas à cette réalité, en plus de n’apparaître que comme des productions gadgets, pas à l’échelle de la demande potentielle d’un parc de centaines de milliers d’automobiles (1). Tout ça c’est l’étude physique et technico économique du cycle de l’hydrogène, depuis l’extraction de l’énergie primaire d’où il est issu, jusqu’à l’essieu des véhicules, qui le montre.

    Aussi, miniaturisée ou pas, la pile à combustible dont le principe est connu depuis longtemps n’est-elle et ne restera-t-elle jamais utile qu’à des usages où elle est irremplaçable pour des raisons autres qu’économiques.

    Il ne faut surtout pas être surpris ni tirer argument qu’Air Liquide et l’industrie pétrolière, par exemple, pèsent de tout leur poids pour tenter de faire gober à l’opinion ce qui ne résiste pas à l’analyse technico économique. Car, pour eux, il n’y a rien de plus normal que chercher à valoriser ce qui peut être considéré comme un sous produit de leurs process industriels. Mais dites-vous bien que les volumes hydrogène de ce gisement « fatal » ne tarderaient pas à être dépassés, avec seulement quelques centaines de milliers de véhicules en circulation… et, dès ce moment, on n’ose imaginer ce que deviendrait le coût de la consommation au 100 km d’un H2 tiré d’une production industrielle dédiée, pour les automobilistes concernés !

    (1) Il est dommage que je ne puisse pas joindre l’étude scientifique démontrant implacablement que le rendement de la mise à disposition hors de prix de l’hydrogène de la pile à combustible est au mieux de 20 %, auquel il faut ensuite appliquer celui de la pile à combustible de l’ordre de 50 %, pour obtenir celui du puits à la roue !

    Voir aussi https://www.contrepoints.org/2019/05/20/344755-vehicules-lavenir-nest-pas-du-tout-a-lhydrogene

    Bien cordialement,

    André Pellen

    1. je ne crois pas à l’alternative hydrogène plus que vous, mais si les constructeurs estiment pouvoir rentabiliser certaines niches, qu’ils y aillent , ce n’est pas au contribuable de prendre les risques en acceptant qu’elle soit LA priorité . Effectivement Samuele Furfari a fait un très bon article là-dessus

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