Une histoire de vaccins : Sanofi, et si on pouvait se mettre la tête à l’endroit

Décidément le confinement va conduire une grande partie des politiciens et des commentateurs dans ce qu’il reste d’hôpitaux psychiatriques : une polémique inouïe s’est développée à l’encontre du propos du Président de Sanofi sur la mise sur le marché d’un éventuel vaccin étudié en co-développement avec leur collègue GSK, autre géant pharmaceutique, d’origine, lui, britannique. Cette association a reçu l’appui de l’administration américaine pour 30 millions de dollars immédiatement, et d’une précommande importante qui, si le vaccin parait prometteur , sera prioritaire.

Ces deux entreprises sont privées, Sanofi, développée dans le giron d’Elf-Aquitaine , a fini par être entièrement privatisée .Comme les autres grandes entreprises de santé elle se développe sur le marché mondial et les USA représentent le pilier le plus important de tout développement de nouveau produit. Les ossatures des Sanofi et GSK sont encore françaises et britanniques, mais ces entités sont mondiales et dirigées comme telles. Si la France avait désiré garder une entreprise « nationale » pharmaceutique , il suffisait, soit d’y garder une participation publique, soit d’ inciter les épargnants français à conserver une part importante du capital de façon à assurer la permanence d’un caractère national à cette entreprise. Cela n’a pas été le cas et aucun politicien, je dis bien aucun, n’a daigné s’en préoccuper. Lorsqu’en 2015 Sanofi a effectué la cession de sa filiale Mérial (vaccins vétérinaires) à Boehringer (Allemagne), illustrant ainsi sa mondialisation intégrale, aucune protestation non plus. Sanofi est donc une entreprise mondiale d’origine française (et même nationalisée), dont les capitaux sont détenus par une large majorité d’américains , la famille Bettencourt conservant une dizaine de pour cents obtenus lorsque la filiale de l’Oréal , Synthélabo , a été absorbée en 1999.

Politiciens et commentateurs n’ont donc aucune raison de pousser des cris d’orfraie. Les dirigeants de Sanofi gèrent leur entreprise et en répondront devant leurs actionnaires.

Sur le fonds du dossier , maintenant, l’hypothèse d’un vaccin à développement rapide est aléatoire. Les prophètes qui savent tout de l’avenir émettent des vœux, d’autres font des chèques, mais la réalité c’est que l’on ne sait pas encore tout du Covid-19 et qu’en conséquence on ne sait toujours pas si l’existence d’un vaccin dont l’action serait durable est vraisemblable.  Deux risques , au moins, celle d’un virus mutant et celui d’une « séropositivité » courte , trop courte. A coté de ces risques , bien connus des spécialistes mondiaux de premier plan que sont les équipes de Sanofi issues, en particulier des Instituts Pasteur et Mérieux, il y a des sommes colossales en jeu de dépenses, en particulier les essais préalables à la mise sur le marché. Enfin, la pandémie ayant mis à plat l’économie mondiale, si un vaccin est « homologué » , le monde entier en voudra, et il sera difficile de le lui refuser , alors que le monde solvable est beaucoup plus étroit, donc ces dépenses colossales risquent aussi de conduire, en cas de succès, à une rentabilité faible pour la ou les entreprises sélectionnées.

Ces prises de risques , les entreprises pharmaceutiques y sont habituées, et c’est la foret de normes et règlements qui ont conduit aux grandes concentrations que nous connaissons : pour pouvoir « encaisser » un échec, il faut avoir les reins solides , car on parle de milliards, d’où la recherche d’un partenaire pour limiter les risques.  Par ailleurs, si l’on passe les obstacles américains , il est rare que l’on ne passe pas tous les autres, tandis qu’en Europe, et plus particulièrement en France le sentiment partagé par le monde de la santé c’est que nous sommes lents , procéduriers, et qu’un avis positif n’a pas de poids vis-à-vis de l’administration américaine. Tous les laboratoires en ont donc conclu à la nécessité de toujours commencer par les USA. Ce n’est pas nouveau, c’est connu , comme est reconnu par tous le caractère tatillon des administrations nationales en ce qui concerne les normes et règlements qui handicapent depuis des années l’ensemble du secteur de production français .

Le marché essentiel est donc celui des USA, c’est le passage obligé pour inonder le marché mondial, les américains sont , en grande partie, propriétaires des entreprises, l’administration américaine finance la première phase de mise au point et se dit prête à multiplier par 10 ou 100 cette première mise de fonds, dans quel monde les « ex-confinés » français vivent-ils ? La Commission Européenne veut-elle jouer la partie ? Il fallait se réveiller plus tôt aussi bien sur les règles que sur l’argent à engager. Elle en a toujours la possibilité , mais GSK est en plein Brexit, cela ne va pas être facile !  Et la France ? Elle a perdu la partie définitivement dans les années 2010/2015, elle n’a pas drainé l’épargne des Français vers Sanofi, elle a laissé les fonds de pension et autres fonds de toute nature s’emparer de sa pépite pharmaceutique, comme pendant la même période elle a laissé aller un grand nombre de ses fleurons, gros ou petits. Elle peut s’interroger sur le départ de fabrications de produits essentiels, les principes actifs, vers l’Asie, Chine et Inde en particulier. Elle verra qu’elle a été insouciante et que l’application absurde des normes pesant sur la chimie nationale (principe de précaution mal digéré) a accéléré le processus.

Ça y est , le déconfinement arrive, remettez -vous la tête à l’endroit .

7 commentaires sur “Une histoire de vaccins : Sanofi, et si on pouvait se mettre la tête à l’endroit

  1. Merci Loïc pour ce rappel utile. On peut témoigner que c’est un discours que tu tiens depuis longtemps, pas seulement pour Sanofi mais pour tous les secteurs stratégiques qu’on a laissé partir à l’étranger.
    Je t’embrasse

  2. Bravo ! pour cette histoire vraie.
    Espérons que les ossatures comme Sanofi ( hors C E ) et GSK ( prochainement hors C E ) aboutiront au vaccin contre COVID 19 .
    Et la France ? dans les années 2010/2015 ? par qui était elle dirigée …. nous le savons , nous le savons bien
    Et l’Europe ? avec COVID 19 ? aucun mérite !!! pas de son , pas d’image ou presque pas …

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