Les dangers d’une planification rigide

Il ne faut pas confondre une direction donnée par les pouvoirs publics et un soutien apporté aux investissements nécessaires dans l’énergie avec une planification rigide et  technocratique. En France, L’État a accumulé pendant des décennies les désastres et les échecs en voulant se substituer aux industriels et aux marchés, il ne faudrait pas qu’il recommence. La pandémie a prouvé une fois encore que l’État est souvent incapable de prendre objectivement les bonnes décisions et ensuite de les faire exécuter.

La France sort du coronavirus avec lenteur et l’industrie se remet au travail avec des usines et ateliers qui ont du mal à se remettre à fonctionner et avec des carnets de commandes qui tardent à se regarnir. Dans le même temps, les retards de fabrication et de livraison se sont accumulés et il faut négocier la remise des pénalités. Les normes et règlements qui avaient heureusement sommeillé se réveillent pour les uns et pour les autres, et les directeurs de sites se retrouvent une nouvelle fois au centre des contradictions du pays, la liberté d’entreprendre mais sous un contrôle et des soupçons permanents. Dans le domaine de l’énergie, les décrets d’application du PPE et du
SNBC, c’est-à-dire la planification de l’énergie et la stratégie bas carbone le 21 avril 2020, ont bien montré que le gouvernement n’a toujours pas intégré les changements à opérer après le cataclysme économique de cinquante-cinq jours de confinement. La Commission européenne n’est pas en reste qui proclame haut et fort que son « Pacte vert » ou « green Deal » va permettre le redressement rapide du continent. Ni la France ni l’Europe ne peuvent faire l’économie d’une réflexion sur les orientations imaginées avant la crise du coronavirus. La fragilité de nos économies n’est plus à démontrer. Même l’Allemagne a trébuché et engage un programme d’aide à l’investissement
de plus de 1 000 milliards d’euros. La fragmentation prônée par les économistes a été menée sans anticipation d’une crise, notre dépendance à l’égard de la Chine et
plus généralement de l’Asie, qui consacre ce continent comme le monopole manufacturier, a été trop loin. L’absence de souveraineté sanitaire a été mise à nu, mais c’est l’arbre qui cache la forêt, c’est encore plus grave si l’on regarde tous les secteurs industriels.

Des choix énergétiques qui vont à l’encontre de la souveraineté

Dans le domaine de l’énergie, nous avons mené campagne en France (et en Europe !) contre les énergies fossiles, dans un environnement politique hostile à l’énergie  nucléaire, (et à l’énergie hydraulique renouvelable pilotable !), tandis que l’éolien et le solaire étaient célébrés comme les solutions idéales. Las ! Leur intermittence a remis en selle l’exigence de centrales d’appoint, au gaz, et il a fallu justifier cette orientation par les promesses de « gaz vert » issu de la méthanisation agricole et de stockages électriques, deux engagements difficiles à tenir ! Du point de vue qui a été soulevé – la souveraineté – toutes ces solutions sont à proscrire car la quasi-intégralité du matériel et surtout des matériaux est importée… d’Asie. Abandonner, pour notre pays, deux excellences techniques dans le nucléaire et l’hydraulique pour renchérir le coût de l’énergie et créer les emplois ailleurs, c’est une double peine difficile à justifier devant nos concitoyens, il faut mentir effrontément. Déjà, sur les éoliennes, le rideau se déchire et les révoltes grondent sur l’ensemble du territoire. Les développements récents devraient nous obliger à ne pas persévérer dans l’erreur. Ce n’est pas aisé, car il est si facile
de proclamer que le vent et le soleil sont gratuits et indolores, de faire rêver au retour des bateaux à voile, à l’avion solaire, tout en insistant sur la pollution des hydrocarbures et sur les dangers du « nucléaire ». Et dans le même temps, nous avons trop gaspillé nos ressources dans une société de consommation poursuivant une marche en avant aveugle, et l’aspiration à un changement est profonde dans la population, même si les actes quotidiens, individuels ou collectifs, ont du mal à correspondre aux bons sentiments.

Éviter la programmation technocratique issue de décisions idéologiques prises par des fonctionnaires

Il faut donc à la fois ne pas envoyer notre pays dans le mur avec une politique énergétique absurde et répondre aux soucis écologiques des Français et des Européens. Cela est d’autant plus compliqué qu’une économie artificielle a été créée autour des énergies nouvelles renouvelables, que celle-ci est très rémunératrice, et qu’investisseurs et actionnaires sont satisfaits des retours actuels bien plus « juteux » que tout ce qu’ils peuvent trouver par ailleurs.
À Davos, on invite greta Thunberg comme tous les collapsologues car « on » a misé gros sur les orientations issues de leurs théories, de même a-t-elle été invitée à la Commission européenne pour exercer les pressions nécessaires. Pour faire de l’argent, soyons « verts », comme le déclare le fonds souverain norvégien dont les revenus sont issus de l’exploitation des hydrocarbures mais qui ne veut plus investir chez les impies à la verdeur insuffisante. Le « greenwashing » mène le monde occidental, on doit en tenir compte. Pour notre pays, la peste (après le coronavirus) va venir des « exigences écologiques » émanant de la puissance publique pour obtenir son soutien aux investissements industriels. Si nous prenons cette orientation antiscientifique et anti-industrielle, nous allons au désastre. Déjà, je lis des articles et des pétitions sur la nécessité d’un transport aérien décarboné ! Si l’on est sérieux, on arrête immédiatement Airbus, Safran, et tous les sous-traitants et l’on supprime tous les aéroports.
Il n’y aura pas de transport aérien décarboné avant des lustres. On peut faire des efforts, et on en fait pour diminuer la consommation de jet fioul, mais « décarboné », sûrement pas dans des délais brefs. Il faut donc tirer un trait sur le PPE et la SNBC et remettre l’ouvrage sur le métier, et surtout éviter la programmation technocratique de choix réalisés par des fonctionnaires et non des industriels. Le nucléaire est notre pépite nationale, on a abandonné un pan de cette activité, les turbo-alternateurs Arabelle lors de la vente d’Alstom Énergie à general Electric et il faut d’urgence reconstituer la filière autour de Framatome.
L’hydraulique – la houille blanche – est notre passion et notre histoire, nous devons reconstituer aussi ce fer de lance. Les réseaux intelligents qui sont partis dans la même
tourmente doivent être aussi rapatriés. Voilà deux filières dont la reconstitution ne coûtera pas autant que le chômage partiel du mois d’avril, quelques petits pour cent, et qui rapporteront gros ! Un autre point fort de notre industrie est le moteur thermique, essence ou diesel, hors de question de l’abandonner pour des raisons idéologiques, donnons-lui des objectifs de consommation et arrêtons de considérer que le véhicule électrique est la seule solution à la pollution de nos métropoles.
Avant de favoriser un mode de propulsion, assurons-nous d’en posséder la technique de manière souveraine, ce qui n’est pas le cas avec les batteries, admettons-le une fois pour toutes. On ne peut pas orienter une stratégie nationale énergétique pour assurer une souveraineté en choisissant des matériels que nous ne savons pas fabriquer. On ne doit pas mettre la charrue avant les boeufs !

Réaliser des économies d’énergie massives dans l’industrie, dans le bâtiment

En revanche, tous les investissements qui conduisent à réaliser des économies d’énergie, dans l’industrie, dans le bâtiment, neuf ou réhabilitation, doivent être vigoureusement encouragés sans restrictions et sans atermoiements. Le changement le plus difficile à opérer va être celui de l’idéologie de la concurrence dans le domaine de l’énergie. Les monopoles structurels ont toujours été l’obsession des libéraux. Ce sont les États-Unis qui ont ouvert le feu avec les lois antitrust contraignant le monopole pétrolier Standard Oil de Rockefeller à se scinder en six entreprises régionales, mais dans la gestion de l’électricité la situation était plus complexe, puisque les infrastructures de transport et de distribution ne peuvent pas être doublées (il en est de même pour le gaz ou le rail).
En dehors de l’aspect idéologique, l’attaque contre les monopoles s’explique par la constitution d’un État dans l’État pouvant conduire à des excès de pouvoir et une impossibilité de contrôle des coûts, donc des prix. Dans le domaine des monopoles structurels, on a commencé par l’unbundling, (en français dégroupage) en séparant les fonctions en compagnies distinctes. Ainsi EDF est devenu le producteur, RTE le transporteur et Enedis le distributeur. Puis il fallait établir la concurrence et on a donc enlevé le monopole de production à l’opérateur historique. Cela n’a pas suffi puisque les centrales nucléaires (71 % de l’énergie électrique nationale) étaient déjà construites et que la sûreté nucléaire insistait sur l’intérêt de n’avoir qu’un opérateur. On a donc demandé à cet opérateur de vendre une partie de sa production à un prix régulé pour pouvoir faire naître une concurrence… artificielle. Nous en sommes là et la conséquence de ces vingt années de combat, c’est une augmentation du prix de l’électricité de 40 % alors
que les installations nucléaires étaient déjà construites et amorties. La lutte contre EDF a donc appauvri le pays et fait chuter la compétitivité de son approvisionnement électrique. La nécessité de remettre en cause l’ensemble de la politique de l’énergie en France ne peut pas faire l’économie d’une réflexion également sur cette politique de création d’une concurrence conduisant à l’augmentation du coût des prestations.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.