Les profiteurs de guerre du marché de l’énergie sont-ils vraiment là où les voit Emmanuel Macron ?

Lors du sommet du G7, Emmanuel Macron a fait référence à ce qu’il nomme des « profiteurs de guerre » en évoquant des entreprises du secteur de l’énergie qui profiteraient de la guerre en Ukraine pour réaliser des marges injustifiées.

Atlantico : Le Président de la république a fait référence au G7 à des « profiteurs de guerre » en évoquant les profits d’entreprises du secteur énergétique qui, selon lui, profiteraient de la guerre en Ukraine pour réaliser des marges injustifiées. Quelles sont selon vous les entreprises qui pourraient correspondre à ce sombre tableau ? Et quel poids représentent-elles sur le marché de l’énergie… ?

Loïk Le Floch-Prigent : Il faut sans doute prendre un peu de recul à l’égard de propos un peu lapidaires . En ce qui concerne le pétrole et le gaz les cours ont augmenté avant la guerre. Les bénéficiaires en sont pour 90 % les pays producteurs qui ont réduit l’offre pour augmenter les prix, les acheteurs dénigrant leurs produits et voulant restreindre l’exploration et la production pour raisons « climatiques » en s’appuyant sur la « finance verte ». La guerre en Ukraine est venue augmenter un dérèglement déjà existant avec les « sanctions  » à la Russie. Ces sanctions ont conduit à un début de pénurie, en particulier en Allemagne, et à une augmentation des prix, ainsi la Russie a vendu moins de gaz et de pétrole, tout en obtenant beaucoup plus d’argent. Sur ce sujet on a voulu sanctionner la Russie et c’est l’Europe qui a souffert! Donc, pour l’instant les pays producteurs , y compris la Russie, ont profité de la guerre , et ce que l’on entend moins les USA qui ont (enfin!) vendu leur gaz de schiste à l’Europe, Europe qui ne veut pas explorer et produire celui qu’elle possède dans son sous-sol. Notre manque de pragmatisme, notre soumission aux idéologies sont les causes essentielles de nos souffrances actuelles, tous les autres en profitent, mais il faut s’en prendre à nous-mêmes ! Les compagnies privées productrices de gaz et de pétrole profitent aussi de la montée des cours dont elle ne portent aucune responsabilité, elles ont perdu hier, elles gagnent aujourd’hui et elles investissent dans l’avenir …qui est aussi le notre, mais ce sont les pays producteurs qui sont les vrais gagnants !

Pour les autres entreprises du secteur énergétique , la production électrique et la distribution électrique, gazière, et pétrolière, c’est l’organisation du marché de l’énergie qui met le bazar en Europe, personne ne profite vraiment , pas plus les consommateurs que les entreprises seules les percepteurs de taxes proportionnelles peuvent se féliciter de la situation actuelle.

Méfions nous donc de propos caricaturaux, faciles et démagogiques.

Quelle responsabilité peut-on attribuer au pouvoir politique face aux déséquilibres sur les marchés de l’énergie ? La création du marché européen de l’énergie, notamment de l’électricité, et les politiques dites environnementales n’ont-t-elles pas elles aussi une part importante de responsabilité dans le déséquilibre des mécanismes de formation des prix ?

On a voulu au niveau  de l’Europe, avec le soutien de tous les pays dont la France , créer un marché pour des produits habitués aux monopoles ou oligopoles. En France la production électrique c’était très majoritairement EDF, le transport et la distribution aussi et pour la gaz l’approvisionnement c’était Gaz de France ainsi que le transport et la distribution. La création de « fournisseurs » d’électricité et de gaz était un concept considéré comme « libéral » mais son application n’a fait que renchérir le cout pour les consommateurs en invitant un nouveau type d’intermédiaire qui est venu se nourrir à la fois des productions et des consommations tandis qu’une instance de régulation venait  également s’installer i. Ce système ne pouvait vivre qu’en donnant à ces intermédiaires une partie de la marge de production , c’est la fameuse ARENH en France créée par la loi NOME en 2010 qui est une anomalie économique qui ne satisfait que les technocrates et leurs obligés. L’argent investi par les Français dans sa production nucléaire électrique est offert à des entreprises qui n’y ont pas contribué !

Mais cette dépossession a été accentuée par le souhait de ralentir la production nucléaire au profit de deux sortes d’énergies renouvelables, le solaire et l’éolien , énergies intermittentes (donc non pilotables) qui viennent dérégler le réseau et renchérir le MWH électrique . La création artificielle d’un marché de gros en essayant de singer les marchés des matières premières a conduit notre pays avec la complicité de  l’Arenh  à vendre son électricité nucléaire à prix cassés et à racheter nos besoins chez nos voisins à dix fois et quelquefois à cent fois le prix de production ! C’est la Commission Européenne avec l’aide des technocrates français qui a inventé cette usine à pertes dont les bénéficiaires ne sont pas les consommateurs mais des intermédiaires qui n’ont effectué aucun investissement majeur. Les promoteurs d’usines éoliennes et solaires, connaissent aussi des rentabilités insolentes, tandis que tous les matériels sont achetés à l’étranger ce qui n’arrange pas notre balance des paiements, on le sait de plus en plus déficitaire.

On observe donc qu’une idéologie libérale tordue, ou dévergondée , associée à une écologie mal appréciée conduisent à la catastrophe actuelle, des risques de pénurie électrique, un cout prohibitif ne reflétant plus la réalité des couts du nucléaire et de l’hydraulique et, comme il  ne faut pas effrayer le consommateur individuel( donc blocage des tarifs pour eux) , une augmentation des tarifs (multipliés par 3,4 ou 5) pour les entreprises qui perdent encore ainsi de leur compétitivité déjà fortement entamée par les impôts de production.

La politique de gribouille de formation des prix, les bénéfices plantureux accordés aux usines solaires et éoliennes sur 20 à 25 ans est la cause de nos malheurs !

La tribune des dirigeants de Total énergie, Engie et EDF appelant les Français à faire des économies d’énergie a, elle aussi, provoqué de nombreuses réactions acerbes. Comprenez vous ceux qui n’y ont vu que cynisme ?

Nos trois grands opérateurs nationaux ont cru bon de s’exprimer pour endiguer les propos scandaleux proférés à leur endroit par nombre de commentateurs peu scrupuleux et incompétents. Ils ont réaffirmé leur engagement au bien commun national que beaucoup semblaient avoir oublié.
Mais on peut regretter que les représentants officiels de toutes les entreprises qui donnent des leçons de manière régulière sur les grands sujets qui agitent le microcosme politique, n’en aient pas profité pour s’exprimer aussi en s’inquiétant de la dérive inquiétante qui conduit les pouvoirs publics à faire des chèques et cadenasser les hausses pour les « plus démunis » en oubliant les entreprises.

Tandis que chacun fourbit ses armes pour défendre le pouvoir d’achat et que les beaux esprits demandent aux entreprises d’être compréhensifs à l’égard de leurs salariés, il est de notre devoir de chefs d’entreprise de dire que notre désir est le bien être de tout notre personnel , leur motivation et donc une politique salariale juste. Simplement tandis que les pouvoirs publics établissent des boucliers de tarifs sur les produits énergétiques pour les consommateurs, les entreprises prennent de plein fouet les hausses, hausses de matières premières, hausses de l’énergie, hausses des transports et… hausses de salaires voulues et encouragées par les hommes et femmes politiques. Mais ce n’est pas en mettant à genoux les entreprises que l’on va redresser le pays et satisfaire les demandes légitimes du personnel, c’est en restaurant la compétitivité des entreprises que l’on pourra avancer. Si les pouvoirs publics ne peuvent pas s’engager  sur un bouclier énergétique pour les entreprises, qu’ils commencent donc par s’interroger sur les raisons des augmentations insupportables actuelles et qu’ils les corrigent en investissant lourdement pour accélérer le programme nucléaire, en décélérant les programmes d’énergies renouvelables déficitaires et destructeurs d’environnement et de biodiversité(comme les éoliennes en mer en Baie de Saint-Brieuc, programme scandaleux à l’armada délirante saccageant notre parc de coquilles Saint-Jacques en période de reproduction ), que cette guerre que nous n’avons souhaité ni les uns ni les autres nous amène à nous poser les vraies questions sur notre organisation énergétique, sur l’échec de la politique allemande, sur les bêtises que nous avons, aussi, commises. Il faut un Retour d’Expérience , un examen approfondi de ce qui n’a pas marché et une correction rapide pour que nos entreprises survivent. Nos trois grands opérateurs ont parlé, c’est désormais aux entreprises de dire, il suffit: un grande journaliste disait « rouvrez Fessenheim » et je commencerai à accepter des sacrifices.

Faites donc une vraie politique énergétique et nous serons tous derrière vous.

3 commentaires sur “Les profiteurs de guerre du marché de l’énergie sont-ils vraiment là où les voit Emmanuel Macron ?

  1. Bonjour,

    Loik, vous mettez le focus sur les raisons rarement explicités par nos journalistes (prêcheurs de l’église du carbo-centrisme). Pour l’instant le rendement brut des taxes n’a jamais été aussi bon, elles ont un impacte surtout sur les entreprises puis sur les ménages et par ruissellement sur la croissance.
    La balance du commerce extérieur ne cesse de se dégrader pour l’approvisionnement énergétique mais aussi par la baise de compétitivité de nos entreprises (due aux taxes plus importantes en Europe que dans le reste du monde). Il y aurait une optimisation à faire mais par idéologie et électoralisme il me semble que ces questions sont toujours remisent à demain.

    En ce qui concerne les trois grandes entreprises, il ne vous aura pas échappé que celles-ci ont aussi l’état comme actionnaire. Elle sont de temps en temps victime de régulations de prix qui font baisser les marges, il vaut mieux vendre moins mais vendre mieux. L’appel à la frugalité est surtout pour se prévenir de situation ou l’état se déchargerait sur ces dernières pour faire baisser les prix sans faire baisser les taxes. C’est dans cet esprit que les constructeurs automobile délaissent le bas/moyen de gamme en se fixant un prix moyen par véhicule en hausse en en réduisant le nombre de véhicules produits.

  2. L’idéologie décroissante de la pensée verte, impose sa vision d’un monde de moulins à vent à une classe politique qui s’ auto suffit de pensées molles, partagées avec des courtisans intéressés par les pactoles offerts aux copains.
    Votre plaidoyer, fort bien construit, n’intéresse pas la pensée molle, c’est notre malheur .

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