L’hydrogène est-ce l’avenir ?

Pour ceux qui pensent que l’avenir de la consommation de carburants est l’hydrogène, un petit retour en arrière n’est pas inintéressant.
Lors des chocs pétroliers dans les années 1970, le monde entier s’interroge sur l’avenir des énergies fossiles, les réunions de scientifiques et d’industriels se multiplient, les rapports sur l’énergie de l’avenir tombent les uns après les autres sur le bureau des responsables politiques, c’est l’occasion de traiter de bien des sujets d’avenir.
La première idée est de desserrer le verrou du Moyen-Orient (et du Venezuela, alliés en la circonstance) en investissant lourdement en Mer du Nord dans le pétrole, mais aussi en Afrique. C’est ainsi que le groupe Elf -Aquitaine devient le précurseur des forages risqués en Norvège et la première compagnie sur le Continent sub-saharien. On parle également alors des schistes bitumineux de l’Alberta au Canada, du pétrole et du gaz se schiste… mais on constate une tendance à l’augmentation des couts et on s’interroge sur la disponibilité.
On commence à regarder les énergies alternatives, en particulier en France avec la création du Commissariat à l’Energie Solaire (COMES) dont sortirons bien des principes qui font aujourd’hui le bonheur de l’industrie chinoise des panneaux photovoltaïques.
Mais, surtout, on se réjouit d’avoir basé notre production électrique sur l’énergie nucléaire pour échapper ainsi au renchérissement des prix du pétrole, ce qui rend notre pays très compétitif en matière électrique. L’électricité nucléaire apparait alors comme un atout de compétitivité de la France et un vecteur d’exportation très rentable.
C’est alors que le monde scientifique regrette profondément que le stockage électrique soit de cout si prohibitif et que l’on se pose la question d’une économie basée sur l’hydrogène avec deux axes, l’un concernant la production de l’hydrogène à partir de l’électrolyse de l’eau associée à une centrale nucléaire, l’autre concernant les moteurs à hydrogène et les piles à combustible utilisant l’hydrogène.
Le contexte économique veut, et c’est toujours vrai aujourd’hui, que l’hydrogène le moins cher est celui qui provient des raffineries de pétrole ou des reformeurs de gaz naturel (CH4). Mais, si les couts de production augmentent pour les fossiles et si l’énergie nucléaire gagne en compétitivité, l’hydrogène peut devenir un atout pour les nations nucléarisés. Le même argument sert d’ailleurs pour envisager des usines d’aluminium(grandes consommatrices d’électricité) et sidérurgiques alimentées « en direct » par des centrales nucléaires dédiées. Les hypothèses de l’époque montrent que cette idée est loin d’être absurde, comme d’ailleurs le dessalement de l’eau de mer comme utilisateur d’énergie électrique nucléaire.
Mais la question est de savoir dans quelles conditions on peut envisager des voitures à hydrogène. Le produit essence ou gazole est bien accepté par la population depuis des dizaines d’années, des progrès sont en train de se réaliser sur la baisse de consommation des carburants, le Ministre en charge lance le programme « un litre aux cent kilomètres » avec des expérimentations et des lauréats subventionnés, on en est aussi à essayer de préserver le modèle existant en devenant plus exigeant sur les rendements.
L’hydrogène est un gaz, explosif, donc difficile à transporter, à consommer, on recherche des « hydrures » qui résoudraient le problème, mais les succès sont mitigés, on imagine donc aller à la fois dans le sens des réservoirs à gaz ( il y avait bien des gazogènes lors de la guerre 1939-1945) et des piles à combustibles. Les constructeurs français se plongent dans cette hypothèse, Renault n’est pas convaincu , mais Peugeot mord à l’hameçon et c’est ainsi que la recherche sur l’utilisation de l’hydrogène est soutenue par un industriel qui examine avec ses yeux les idées des scientifiques qui fusent dans tous les sens. Rien d’étonnant , à cet égard, que des années après, alors que les responsables politiques s’extasient sur les perspectives des voitures électriques, c’est le patron de Peugeot qui déclare que rien n’est joué dans l’avenir de la ville dépolluée entre le véhicule à hydrogène et le véhicule électrique . Le groupe Peugeot n’a jamais oublié la filière Hydrogène évaluée dans les années 1970 et qui avait fait l’objet de recherches approfondies dont les Japonais de Toyota ont fini par devenir les précurseurs industriels.
Le monde a changé depuis cinquante ans, le nucléaire a pris une gifle avec les accidents de Tchernobyl et Fukushima, mais les données scientifiques et techniques sont toujours les mêmes.
Le pétrole n’a pas connu l’évolution des prix que l’on avait craint, l’hydrogène le moins cher est celui qui est issu des fossiles (pétrole et gaz) et les écarts de prix sont suffisamment élevés pour que cela dure longtemps. Les réserves continuent à augmenter, avec la consommation actuelle , le renouveau des USA, et les perspectives en Russie, le monde n’est plus vraiment dépendant du Moyen-Orient.
Ce n’est donc plus la perspective de la pénurie qui peut conduire à un changement, mais la pollution des zones urbanisées. Il y a , à cet égard, trois solutions qui vont entrer en compétition et dont le succès ne sera pas universel, cela dépendra des contextes dans chaque pays
D’abord , tandis que les « urbains » se mettent à consommer des véhicules à essence ou gazole de grande taille, les villes peuvent promouvoir la circulation de véhicules classiques à faible consommation et à vitesses réduites. L’objectif de un litre aux cent kms de notre Ministre de 1973 est dans le champ des possibles !
Ensuite il y a le véhicule électrique, encore de prix élevé, qui ne se conçoit qu’avec une multiplication des bornes de recharge et un réseau très structuré. Il est concevable en Europe et quelques pays en Asie, mais pas encore généralisable, en particulier en Afrique où l’électrification piétine à 10%. C’est donc un projet de pays riche.
Enfin il y a le véhicule à hydrogène dont la consommation conduit à produire de l’eau, on commence à voir des taxis à Paris, à entendre des partisans des hybrides le réclamer
Le choix n’est pas aussi clair que les prévisionnistes professionnels veulent le dire car ils oublient tous la réaction du consommateur, comme on a pu le voir avec le début de la révolte des « gilets jaunes »
Une chose est sure, les changements à opérer dans années à venir viendront de la pollution des agglomérations, et non du désir de peser sur le changement climatique. Si l’on prend le bilan carbone global , de l’origine des matériaux jusqu’à leur fin de vie, rien ne permet de dire que parmi ces solutions l’une est meilleure que l’autre, car les progrès sont constants et l’histoire, en conséquence , est loin d’être écrite.

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