Respecter l’environnement, c’est aussi ne pas massacrer les paysages

A l’extrémité du Cap Sizun, à Plogoff, dans le Finistère, les ingénieurs avaient imaginé pouvoir ériger une centrale nucléaire en Bretagne pour remplacer celle du centre de la région à Brennilis. Ils n’ont pas pu le faire et s’ils ont été contraints de reculer, c’est que l’endroit choisi était avant tout sacré, on ne touche pas à la pointe du Raz impunément, c’est l’âme de tous les marins morts en mer qui était profanée et pour toucher au sacré il faut des raisons impérieuses, une question de vie ou de mort, aucune Centrale Electrique ne rentre dans cette catégorie.
Depuis 8 ans les Espagnols d’Iberdrola envahissent les Cotes d’Armor avec un projet de ferme éolienne en mer au large du Cap Fréhel, la population se rebelle contre cette construction de 62 éoliennes à 210 mètres de hauteur et donc par tous les temps visibles du littoral, de Cancale à Bréhat. Les associations de défense de l’environnement multiplient les recours et il en reste encore, les promoteurs s’impatientent, multiplient les communiqués pour démontrer l’intérêt pour l’économie locale de leur projet et font venir des « préparateurs » divers pour montrer que le rouleau compresseur va faire reculer tous les aigris qui ne comprennent rien à la marche inéluctable du progrès.
La mer, et pour nous Bretons de la cote Nord, les anciens des Cotes du Nord, devenus les Cotes d’Armor, toucher au Cap Fréhel, au Cap d’Erquy, classés Grands Sites de France, c’est toucher au sacré, c’est se faire retourner dans leurs tombes tous les marins perdus dans les tempêtes et péris en mer, tous ceux qui de Loguivy de la Mer et de partout sur notre cote sont partis à Terre-Neuve et ne sont jamais revenus. C’est de là que les futures veuves observaient avec angoisse les flots rugissants qui auraient du ramener leurs hommes, c’est l’horizon que l’on guettait en espérant sans y croire une bonne nouvelle, et c’est finalement l’analogue pour nous du Cap Sizun pour les « sudistes ». On ne peut donc toucher à nos « Caps » que pour des raisons vitales, impérieuses, et ces raisons les technocrates ne peuvent nous en convaincre, elles n’existent pas. Et comme sorties des entrailles de la terre pour convaincre les plus enclins à la vénalité de notre époque, les raisons du contraire viennent d’apparaitre : au large du Cap Fréhel et du Cap d’Erquy, par 40 mètres de fond, les plus beaux coraux de la Manche reposent, cachés à la vue des riverains, mais vivants, rutilants, nous obligeant désormais à nous prosterner et donc à oublier un projet inutile et ravageur.
Que les promoteurs aient effectué des manoeuvres nombreuses pour cacher ce joyau ou pas, peu importe, les coraux sont là et la priorité est donc d’aller les voir et de demander aux experts de l’Ifremer de Brest et à ceux du Museum d’Histoire Naturelle de Dinard d’aller prendre des vues et de nous les montrer, affichant ainsi, à coté de l’horizon vu des Caps un autre patrimoine de l’humanité à respecter. Quand on pense aux études d’impact dont les promoteurs claironnent les conclusions, comme elles n’ont pas pris en compte l’essentiel, comment peut-on encore en faire état.
Car, à coté de ces merveilles intouchables et sacrées, le programme envisagé n’est en rien indispensable, pas plus pour les riverains que pour les bretons, ni pour l’humanité, c’est même le projet le moins abouti de toute l’histoire de l’éolien, on peut s’étonner qu’il ait franchi toutes les barrières depuis huit ans car rien ne tient dans ce qui sera considéré par les générations futures comme un grossière erreur écologique.
De nombreuses irrégularités émaillent le parcours et il n’est que de lire les pages des rapports des associations pour s’en convaincre, même le Conseil d’Etat a constaté en Juillet 2019 l’irrégularité de l’attribution d’un marché de plus de 7 milliards d’Euro à une SAS de 3000 euros de capital arrivée seconde lors de l’appel d’offres. La Chambre Régionale des Comptes aurait du être saisie depuis bien longtemps à propos des contrats de sponsoring de toutes les associations des Cotes d’Armor depuis 8 ans. Est-il tant besoin de se faire pardonner d’avance du mal que l’on va faire, et les 100 millions d’euro déjà annoncés comme dépensés par le promoteur sont-ils vraiment justifiés ? Beaucoup en doutent, et c’est amplement suffisant pour qu’une instance indépendante clarifie une opacité dénoncée par la plupart des candidats aux mairies des cantons avoisinants.
Il est temps de laisser la défense de l’environnement parler, de respecter la faune et la flore marine, les oiseaux, la mer, les pêcheurs. La baie de Saint-Brieuc est le plus grand réservoir de coquilles Saint-Jacques européen, les oiseaux migrateurs aiment le Cap Fréhel et le Cap d’Erquy, au nom de quoi a-t-on pu avoir l’idée d’aller précisément là pour ériger 62 tours Eiffel pour obtenir une électricité 4 fois plus chère qu’ailleurs, à la charge du contribuable pendant 25 ans pour une charge de plus de 5 milliards d’Euro ? Double peine, le contribuable paie et on fait disparaitre l’horizon et les coraux, alors qu’eux sont sacrés.

4 commentaires sur “Respecter l’environnement, c’est aussi ne pas massacrer les paysages

  1. Entièrement d’accord: ces éoliennes en mer sont une folie écologique et économique: le coût du kWh – aléatoire – produit est le plus cher et masqué dans les taxes d’électricité. J’ai démissionné de la Commission Nationale du Débat Public car ce coût n’a jamais été annoncé.

  2. Jusqu’à la fin novembre 2020, un débat public est organisé sur l’implantation d’un parc d’éoliennes flottantes au large des îles de Groix et de Belle-Ile.
    Si Bretagne Vivante est favorable à cette énergie d’avenir, le débat public doit permettre à l’association et ses adhérents de porter la voix de la nature et d’exiger que la production d’électricité dite « verte » ne se fasse pas aux dépens de la biodiversité.
    LA REVUE DE LA TRANSITION ENERGETIQUE BRETONNE

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